5 décembre 2016
Par Marie Gagnon

Étendre son rayon d’action pour prendre de l’expansion, c’est une idée judicieuse. À condition de bien préparer le terrain. Biron livre sa recette.

Assurer l’essor d’une entreprise n’est jamais une mince affaire. D’autant que les voies qui mènent à la croissance sont multiples. L’entreprise peut notamment suivre la route de la spécialisation en misant sur les compétences acquises dans un domaine. Elle peut aussi s’aligner sur la diversification, qui l’orientera vers des métiers ou des secteurs d’activité nouveaux. L’expansion géographique, par le développement de nouveaux marchés à l’extérieur de son territoire naturel, peut aussi s’avérer une option gagnante à maints égards. Surtout dans l’industrie de la construction, où l’activité se module en fonction des cycles de croissance et de décroissance qui caractérisent le secteur. Mais pour réussir à l’extérieur de ses frontières, l’entreprise doit d’abord compter sur un solide réseau d’affaires.

 

C’est la recette de Biron, une entreprise spécialisée établie à Chibougamau qui réalise, bon an mal an, près de 85 % de son chiffre d’affaires en travaux de plomberie et de chauffage. Fondée en 1956 par Marcel Biron, l’entreprise jusque-là active dans le Nord-du- Québec, a graduellement essaimé étendant son rayon d’action à l’échelle provinciale.

 

« Les choses ont commencé à changer quand j’ai racheté l’entreprise en 2006, rapporte le président actuel Patrick Biron, également petit-fils du fondateur. Avant, on travaillait surtout à Chibougamau, dans les communauté cries et sur des contrats réservés aux compagnies du Nord-du-Québec, notamment pour le projet Eastmain-1-A entre 2007 et 2009. La main-d’oeuvre venait de partout, il y en avait de Québec, la Beauce et de Saguenay. Mais la première fois qu’on s’est retrouvés à l’extérieur de notre région, c’est pour la mine Osisko à Malartic. »

 

Nous sommes alors en 2009 et le contrat de 500 000 $ concerne la plomberie du garage et du bâtiment administratif. Non seulement l’entreprise doit composer avec l’éloignement pour assurer la bonne marche des travaux et la logistique d’approvisionnement – tout le matériel passe par Chibougamau –, mais elle doit aussi importer sa main-d’oeuvre. L’Abitibi connaît à l’époque un boom minier et aucun plombier n’est disponible dans la région. Pour honorer son contrat, Biron doit donc faire appel à des plombiers de Chibougamau.

 

Tisser son réseau

L’année suivante, l’entreprise met le cap sur Trois-Rivières, pour réaliser cette fois la totalité des travaux de plomberie du nouveau centre d’hébergement Cooke, un marché d’une valeur de 1 million de dollars. « À partir de là, ça s’est mis à débouler, note Patrick Biron. Au fil des années, on a travaillé avec différents plombiers, certains nous en ont référé d’autres, si bien qu’on s’est vite retrouvés avec un important réseau de contacts à travers la province. Des gens compétents sur qui on peut compter.

 

« Parce que déplacer de la main-d’oeuvre, ce sont aussi des frais de séjour et de transport, poursuit-il. Quand l’industrie roule à plein régime et que les contrats sont lucratifs, ça ne pose pas vraiment problème. Mais quand l’activité ralentit, on devient moins compétitifs par rapport à nos concurrents et les projets sont moins rentables. Présentement, on peut se le permettre parce que l’industrie commence à reprendre de la vigueur. »

 

Optimiser ses ressources

Pour optimiser le travail de ses équipes sur les chantiers éloignés, Patrick Biron a imaginé une structure efficace, où un contremaître de Biron supervise des travailleurs connus de l’entreprise et des recrues qui débutent dans ses rangs. Le projet est de plus grande envergure ? Un surintendant de Biron sera affecté au chantier et secondé par un ou deux contremaîtres, également formés aux usages de l’entreprise.

 

« Les nouveaux plombiers sont toujours encadrés par des travailleurs expérimentés, dont on connaît le rendement et qui connaissent nos normes de qualité, souligne le gestionnaire. À la fin du mandat, s’ils cadrent avec nos valeurs et nos façons de faire, alors on les intègre dans nos équipes régulières. On n’a pas le choix de fonctionner comme ça, c’est impossible de former des dizaines d’hommes chaque fois. Et on a des standards à respecter en termes d’échéanciers, de budgets et de qualité d’exécution. »

 

Récolter les fruits

Cette stratégie d’expansion semble d’ailleurs profiter à l’entreprise spécialisée. Ses revenus sont en effet passés de 5 millions en 2011, à 6 millions en 2012, pour atteindre plus de 7 millions en 2013, soit une croissance continue de 1 à 1,5 million par année. En 2014, le chiffre d’affaires est multiplié par deux et atteint désormais 16 millions de dollars. Deux projets d’envergure, soit la prison de Roberval, un projet de 8 millions de dollars réalisé entre 2013 et 2014, et l’amphithéâtre de Québec, un marché de 16 millions débuté en 2014 et livré en 2015, expliquent cette hausse fulgurante.

 

La salle des refroidisseurs de l'amphithéâtre de Québec sur laquelle est intervenue Biron. Photo de Biron

 

« À eux seuls ces projets représentent près de 80 % de nos revenus en 2014, note Patrick Biron. Par contre, en 2015, on a aussi enregistré des recettes de 16 millions et cette fois, le projet de l’amphithéâtre ne représentait que 10 % de notre volume d’affaires. Selon nos prévisions pour le présent exercice financier, on devrait encore atteindre les 16 millions en 2016, même sans ces deux gros projets.

 

« On commence à récolter ce qu’on a semé au cours des 10 dernières années, commente-t-il. La construction est au ralenti, on ne va pas se le cacher. Mais les efforts qu’on a faits pour élargir notre réseau de main-d’oeuvre sont enfin récompensés. On le voit par notre volume d’affaires, qui se maintient malgré le contexte actuel. L’envers de la médaille, c’est qu’avec le siège social à Chibougamau, ça nous occasionne beaucoup de déplacements à mes collaborateurs et à moi. »

 

Veiller au grain

Lui-même plombier de métier, Patrick Biron s’investit beaucoup dans la gestion des projets qui lui sont confiés. Histoire de rassurer les clients et de s’assurer de la bonne marche des projets, il effectue, toutes les deux semaines, une tournée générale de tous ses chantiers. Il en profite au passage pour enseigner les trucs du métier aux nouveaux travailleurs.

 

« On mise beaucoup sur le transfert de compétences entre travailleurs, ajoute-t-il. La majorité de nos contremaîtres ont commencé comme apprentis chez nous et la plupart de nos employés sont avec nous depuis une dizaine d’années. On a aussi un atelier de fabrication et on travaille beaucoup en préfabrication pour accélérer les chantiers. On n’a pas beaucoup de travailleurs pour sortir tout l’ouvrage. Ils ne sont pas seulement productifs, ils sont aussi créatifs. S’il leur manque un outil, ils vont le fabriquer. »

 

Si l’entreprise familiale repose aujourd’hui sur une base solide, elle n’en est pas moins soumise à des fluctuations conjoncturelles susceptibles de ralentir sa progression. Bien que Patrick Biron entrevoie l’avenir d’un bon oeil, il souhaite aujourd’hui élargir son champ d’activité pour poursuivre sur sa lancée. Entre autres, en se faisant connaître des donneurs d’ouvrage privés. « Jusqu’ici, on travaillait seulement pour le public, maintenant, on nous invite à soumissionner sur des projets privés, confie-t-il. Ça va consolider encore davantage notre base. »

 

À L’HEURE DU BIM

Lorsque Biron a décroché son contrat de plomberie à l’amphithéâtre de Québec, l’entreprise a dû passer en mode BIM (Building Information Modeling, un logiciel visant à faciliter les échanges autour d’un projet de construction. Proposant un modèle unique du bâtiment, le logiciel inclut toute l’information technique nécessaire à sa construction, son entretien, ses réparations et sa déconstruction.

 

« Avec le BIM, on voit tout le bâtiment en trois dimensions, note Patrick Biron. Ça permet de détecter les conflits d’architecture, de structure ou de mécanique, avant même l’érection du bâtiment. Et ça facilite aussi le travail à l’atelier. Au début, ce n’est pas évident, car il faut se familiariser avec les nouvelles bases, mais on a été surpris par le degré de précision atteint en préfabrication. C’est vraiment un plus. »