Des paliers pour pallier le risque de chute

18 septembre 2017
Par Marie Gagnon

Les chutes de hauteur demeurent une des principales causes d’accidents graves et de décès dans l’industrie québécoise de la construction. Investir dans la santé et la sécurité des travailleurs, c’est aussi gagner en productivité au chantier. Coffrage Alliance en témoigne.

La Commission des normes, de l’équité, de lasanté et de la sécurité du travail (CNESST) rapporte, bon an mal an, quelque 700 chutes sur les chantiers de la province. Dans le secteur du bâtiment institutionnel, commercial et industriel (ICI), les chutes de hauteur représentaient à elles seules 22,6 % des accidents déclarés entre 2002 et 2011. C’est tout dire.

 

Bien que les travailleurs en soient les premières victimes, les entreprises en subissent également les contrecoups en termes d’amendes, de journées de travail perdues, de retards sur l’échéancier et de hausses des primes d’assurance à la CNESST. Elles ont donc tout intérêt à faire diminuer le risque de chute sur leurs lieux de travail. C’est d’ailleurs ce qui a motivé Coffrage Alliance à concevoir un système de paliers pour assurer le déplacement sécuritaire de ses travailleurs à l’intérieur d’un système de coffrage autogrimpant du fabricant français Doka.

 

« C’est en 2012, avec le projet du CHUM, qu’on a introduit ce système de coffrage autogrimpant sur nos chantiers, relate François Pomerleau, vice-président exécutif de Coffrage Alliance. On l’a ensuite utilisé pour coffrer la Tour Deloitte, puis la Maison Manuvie, située au 900, boulevard Maisonneuve. Chaque fois on a été confronté au même problème, à savoir comment assurer la sécurité de la circulation à l’intérieur du système, principalement dans les cages d’escalier et d’ascenseur. »

 

À grande échelle

Jusque-là, l’accès aux différents niveaux se faisait au moyen d’échelles. Toutefois, même si le Code de sécurité pour les travaux deconstruction (CSTC 3.5.1.) autorise le recours aux échelles comme moyen d’accès pour monter ou descendre d’un niveau à un autre, leur utilisation n’est pas sans danger. Tomber d’une échelle peut en effet causer d’importantes blessures et conduire à l’invalidité, lorsque la chute n’occasionne pas la mort.

 

Par exemple, si sa partie supérieure est mal fixée ou si la base sur laquelle elle s’appuie n’est pas suffisamment solide, elle peut basculer dans le vide, entraînant le travailleur dans sa chute. Aussi, pour monter dans une échelle, il faut se servir de ses deux mains. Sauf qu’il est fréquent de voir un travailleur grimper avec de petits outils ou du matériel dans les mains. Si, pour une raison ou une autre, le travailleur perd pied, il peut tomber ou, encore, échapper l’objet qu’il tient et causer involontairement des blessures à ceux qui se trouvent aux niveaux inférieurs.

 

« Une échelle de 2 ou 3 mètres, c’est une chose, mais une échelle de 5 à 9 mètres, ce n’est pas sécuritaire, note François Pomerleau. Au CHUM, on a utilisé des échelles, mais des échelles plus courtes, qu’on a positionnées différemment pour créer plus de paliers. Pour la Tour Manuvie, on est parti en quelque sorte d’une page blanche. On a eu des discussions avec le fabricant du système autogrimpant pour améliorer l’accès des travailleurs, mais ce qu’il nous a proposé n’était pas à la hauteur de nos attentes. De là nous est venue l’idée de cette innovation. »

 

Un système maison

Combinant le système autogrimpant de Doka et des pièces d’échafaudage d’un fabricant québécois, le système temporaire mis au point par Coffrage Alliance est constitué d’échafaudages d’escalier d’accès standards de 5 pieds sur 7 pieds, suspendus au moyen de tiges filetées et supportés par des profilés en C doubles, où chaque volée de marches se termine sur un palier de 2 pieds de largeur. Sa conception, qui a mobilisé ingénieurs, contremaîtres et menuisiers de l’entreprise, a nécessité plusieurs semaines de travail. Mais les résultats sont au rendez-vous.

 

Des paliers pour pallier le risque de chute - Photo de IRSST

 

« Nos travailleurs apprécient beaucoup les paliers, parce qu’ils leur permettent de récupérer entre deux niveaux, relève Francois Pomerleau. Comme c’est moins exigeant de monter et de descendre un escalier plutôt qu’une échelle, ils sont aussi beaucoup moins fatigués à la fin de la journée. Et s’ils sont plus alertes, ils sont également plus productifs au bout du compte. D’un autre côté, le transport du matériel est facilité, sans compter que, en cas d’urgence, c’est plus simple et plus rapide d’évacuer les lieux. »

 

Cette innovation a d’ailleurs valu à Coffrage Alliance le Grand Prix santé et sécuritédu travail 2017 pour la région de Laval, dans la catégorie Innovation. Ce prix, offert par la CNESST, reconnaît les efforts des employeurs et de leurs travailleurs dans la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. L’entreprise est maintenant en lice pour le Gala national des Grands Prix santé et sécurité du travail, qui aura lieu à Québec au printemps prochain.

 

Marier sécurité et productivité

« On est fier de ce prix, qui reconnaît notre gestion proactive de la sécurité, mentionne François Pomerleau. On voit que le virage SST qu’on a entrepris il y a une dizaine d’années commence à porter ses fruits. Le changement de culture s’est réalisé et aujourd’hui, on fait la preuve qu’il est possible de marier sécurité et productivité sur nos chantiers. C’est même souhaitable, parce qu’un travailleur qui se sent en sécurité va être plus productif. »

 

Ce changement de culture, Coffrage Alliance l’a orchestré de deux manières : en instaurant un climat policier, un mal nécessaire pour repérer ceux qui enfreignent les consignes de sécurité, et en éduquant ses travailleurs. Et les résultats, mesurables, sont présentés au congrès annuel de l’entreprise.

 

« Les donneurs d’ouvrage constatent eux aussi nos efforts et ils sont impressionnés, ajoute le gestionnaire. Présentement, on travaille sur le futur pavillon des sciences de l’Université de Montréal, un projet d’une valeur globale de 250 millions de dollars. Encore là, on a démontré que la productivité et la qualité ne sont pas incompatibles avec la sécurité. À preuve, on est en avance sur l’échéancier. »

 

 


Cet article est tiré du Supplément thématique – Santé et sécurité 2017. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !