Le pavillon de la France à l'Expo 67, vestige d'une grande époque en construction

10 juillet 2013
Par Justin Dupuis

Il va sans dire que l'Expo 67 a profondément marqué le visage de la Ville de Montréal.

 

D'après le site internet d'Archives Canada, l'organisation de cet événement d'envergure internationale aura permis à bon nombre de projets d'infrastructures importants de voir le jour dans la métropole, notamment l'autoroute Décarie, le pont-tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine. La construction du métro de Montréal a également été accélérée grâce à l'organisation de l'exposition.

 

Sur le plan architectural, force est de constater que la majorité des bâtiments construits dans le cadre de l'événement ont disparu du paysage montréalais. Néanmoins, quelques vestiges importants demeurent. Parmi ceux-ci, le pavillon de la France, un projet réalisé par l'architecte français Jean Faugeron et ses collègues québécois de la firme André Blouin Architectes (aujourd'hui les Architectes FABG). La construction de cet édifice a coûté 4,5 millions $ en 1966. Avec ses 250 000 pieds carrés, il s'agissait du plus grand bâtiment érigé à l'occasion de l'Expo 67.

 

Des débuts marquants en architecture

Gilles Aubertin se souvient bien du projet. Dès sa sortie de l'école d'architecture, André Blouin Architectes lui confie le mandat de dessiner les nombreux brise-soleil en aluminium qui ont été fixés tout autour du pavillon.

 

« On avait fait pas mal de géométrie de l'espace à l'école et c'était frais dans ma tête. André Blouin était mon professeur et il m'avait demandé d'aller travailler avec lui », se souvient l'architecte, aujourd'hui à la retraite, pour qui cette aventure s'est transformée en une carrière de plusieurs décennies au sein du même bureau.

 

Il précise que l'imposant pavillon de la France, conçu pour avoir une structure d'acier et de béton, aura permis à André Blouin Architectes de moderniser ses pratiques de conception à une époque où la majorité des édifices étaient toujours fabriqués en pierre et en bois.

 

« Ce n'était pas le premier bâtiment en acier construit à Montréal, mais nous, c'était un de nos premiers. C'est pour ça qu'il était important qu'on travaille sur le pavillon de la France, il nous apportait en quelque sorte une nouvelle technologie »,  dit Gilles Aubertin.

 

Une nouvelle vie pour le pavillon de la France

À l'instar de la majorité des édifices construits sur l'île Notre-Dame dans le cadre de l'Expo 67, le pavillon français devait être temporaire. Il aura finalement plusieurs vies et, au début des années 1990, Loto-Québec décide d'en faire un casino : le Casino de Montréal.

 

« C'était un très grand projet avec un échéancier de livraison très très serré, se souvient Bruce Allan, architecte et associé senior au groupe Arcop, l'une de trois firmes chargées de la conversion de l'édifice. L'équipe de design a été choisie à l'automne et la livraison pour le casino fonctionnel était pour juin d'après. Il fallait littéralement commencer le projet au lendemain de la sélection des entreprises qui allaient le réaliser. »

 

Cet échéancier serré, dit-il, a fait en sorte que la conception du casino et sa construction se sont faites de manière quasi simultanée, une réalité qui a demandé une gestion de projet très serrée. Pour y arriver, l'ensemble des collaborateurs (architectes, ingénieurs, architectes intérieurs et ouvriers) ont travaillé dans le même bureau, aménagé au sein même du chantier !

 

Conçu presque 30 ans avant sa conversion en casino, le pavillon français ne répondait plus du tout aux normes modernes de construction. Ainsi, avant d'être réaménagé, l'intérieur de l'édifice a dû être complètement dégarni et désamianté. Des travaux ont également été réalisés afin de renforcer la structure de l'édifice pour qu'il puisse résister aux secousses sismiques et supporter la charge énorme de l'argent qui circule dans un casino.

 

 Le pavillon français construit dans le cadre de l'Expo 67 aura finalement eu plusieurs vies. L'édifice abrite aujourd'hui le Casino de Montréal. Crédit : photo fournie par les Architectes FABG

 

Moderniser tout en respectant le passé

Malgré les travaux importants, M. Allan explique qu'un soin particulier a été pris afin de respecter l'architecture originale de l'édifice, particulièrement les centaines de lames en aluminium conçues par Gilles Aubertin.

 

« L'aspect visuel de l'édifice était assez époustouflant et c'était une forme idéale pour un casino, dit Bruce Allan. L'aspect des lames me faisait un peu penser aux croupiers qui disposent leurs cartes en éventail sur les tables de jeu avant une partie. La spirale des lames était un peu une expression de cet éventail de cartes. C'est presque comme si le pavillon avait été destiné à devenir un casino. »

 

Le désir de vouloir préserver l'intégrité extérieure de l'édifice a également nécessité d'adapter la manière de faire des architectes, poursuit-il. Ainsi, la conception du Casino de Montréal s'est faite de l'extérieur vers l'intérieur.

 

« Souvent, explique Bruce Allan, c'est l'inverse. On commence par l'organisation interne et ça va déterminer comment le tout s'exprimera à l'extérieur. »

 

Depuis l'inauguration du Casino de Montréal, les travaux sur l'ancien pavillon de la France se sont succédé. En 2009, Loto-Québec annonçait notamment une somme de 300 millions $ afin de moderniser son casino, le tiers de celle-ci devant servir à la rénovation de l'infrastructure de l'Expo 67.

 

Équipe de projet du pavillon de la France
Architectes : Jean Faugeron et André De Mot (Paris)
André Blouin (Montréal)
Bureau d'études de Paris : O.T.H., Morgan Laredo (ingénieur en chef), Edgar Gauthier (ingénieur en structure)
Bureau d'études du Canada : Lalonde, Girouard, Letendre
Ingénieurs en structure : Bourgeois, Martineau, Samson
Ingénieurs en mécanique : Pageau et Morel
Entrepreneur général : Dumez Canada
Intégration des arts : César, Lardera, Tingely, Niki de Saint-Phalle
Fabricant des lames : Raymond Manufacturing