Le virage électrique des véhicules lourds

4 juin 2021
Par Maude Ferland

Bien que la vaste majorité des véhicules qui s’affairent sur les chantiers carbure encore au diesel, le virage électrique de ces équipements est bien amorcé. Tour d’horizon sur l’électrification des véhicules de construction.

«L’avenir est électrique! », s’exclame Jean-Marc Tardif, président et directeur au développement des affaires chez Tardif Diesel, concessionnaire de véhicules de construction, à Sherbrooke. L’entrepreneur y croit tellement qu’il a converti son parc à l’électrique, allant même jusqu’à livrer une exclusivité dans le marché des véhicules lourds. Le premier camion à benne complètement électrique à recharge rapide s’exécute ainsi déjà sur les chantiers, sophistiquant l’offre du marché. Pour l’heure, bien que les fabricants européens et asiatiques s’affairent à la fabrication de camions-bennes, pelles mécaniques et excavatrices, ce sont surtout ces dernières, version compacte, que l’on retrouve sur le marché.

 

Jean-Marc Tardif, président et directeur au développement des affaires chez Tardif Diesel. Crédit : Gracieuseté

 

Ayant fait leur entrée en 2007, les poids lourds électriques peinent encore à se tailler une place sur les chantiers autres que les carrières et les moulins à scie. Pourtant, l’électrification représente bien plus que des avantages environnementaux. C’est aussi un net avantage de productivité sur les chantiers.

 

Un intérêt environnemental…

Industrie la plus polluante après celle du transport et grande représentante du principe pollueur-payeur, l’industrie minière a été la première à répondre à l’offre de l’électrification, contribuant même à la créer. C’est ainsi que Tardif Diesel a livré ce premier camion à benne entièrement électrique à recharge rapide, en partenariat avec la firme d’ingénierie Medatech et ABB, à la suite d’une demande pour une mine à ciel ouvert comportant un parc entièrement électrique. Les carrières éliminent de ce fait l’émission de milliers de tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère que génèrent leurs activités.

 

En plus des considérations environnementales liées à l’empreinte carbone, ces grands chantiers ont recours à des parcs de véhicules électriques pour l’élimination de la gestion et des couts astronomiques liés aux émissions de gaz à particules lourdes.

 

Simon-Pierre Rioux, président de l’Association des véhicules électriques du Québec (AVÉQ). Crédit : AVÉQ

 

« Là où il y a une demande, c’est surtout pour des mines souterraines, où les émissions de gaz peuvent être dangereuses pour les employés, souligne Simon-Pierre Rioux, président de l’Association des véhicules électriques du Québec (AVÉQ). Il faut des systèmes de ventilation très sophistiqués, qui coutent extrêmement cher. »

 

… mais pas seulement

Au-delà même des avantages environnementaux, les véhicules électriques sont garants d’un chantier efficace. Dans sa version électrique, le véhicule de chantier ne s’immobilise qu’à une seule fin : sa recharge.

 

Elle diffère selon la vocation du type de véhicule qui influence ses besoins énergétiques. Un véhicule tel un camion à benne, toujours en production, aura ainsi inévitablement besoin d’un apport énergétique plus important qu’un véhicule de service telle une grue, qui est stationnaire et dont le moteur est moins sollicité. Mais, dans tous les cas, le moteur électrique bâti sa pression hydraulique sur demande uniquement, ce qui exige énormément moins d’énergie, contrairement au moteur à diesel qui a besoin d’un apport quasi constant en hydraulique.

 

La sollicitation d’énergie sur demande réduit ainsi la consommation, et par conséquent, son besoin de réapprovisionnement. De plus, le temps d’arrêt est inversement proportionnel au voltage du chargeur. Plus le chargeur offre un voltage élevé, plus on réduit le temps d’arrêt pour la recharge. Pour une recharge standard, un chargeur de 600 volts offre 150 kilowatts en apport énergétique, pour un temps de recharge de deux heures et demie à trois heures. Les pauses prévisibles – comme les pauses et heures de diner des travailleurs – sont donc utilisées à cette fin. Dans sa version rapide, la batterie peut être rechargée jusqu’à 80 pour cent de sa capacité en seulement… vingt minutes !

 

Les temps d’arrêt ne sont ainsi réduits qu’à la seule recharge énergétique nécessaire du véhicule, sans l’entretien nécessaire qui va de pair avec le diesel. Finis les changements d’huile fréquents propres au diesel devant être effectués environ toutes les 300 ou 400 heures de service et leurs couts afférents en termes d’argent, de main-d’oeuvre et de temps. On évacue également les problèmes techniques courants liés au système d’urée et à la régénération. Un véhicule lourd électrifié est ainsi garant de plus de productivité par ses immobilisations réduites, contribuant à assurer l’efficacité d’un chantier. Précieux avantage pour l’entrepreneur soumis à un calendrier d’exécution dans sa livraison de projet.

 

Vers la consolidation de l’électrification

Les fabricants majeurs de l’industrie de construction de poids lourds sont regroupés afin d’établir une norme universelle sur la recharge des véhicules électriques, pour la cohérence du milieu. Du coup, on évite les multiples protocoles de chargements par autant de fabricants, comme il appert du marché automobile où ce sont plus de trois normes différentes qui coexistent actuellement.

 

Et en coulisses, on continue à s’atteler à rendre les batteries et les chargeurs encore plus performants, surpassant les prévisions de performance. L’adoption généralisée des véhicules lourds électriques est inévitable, promettant un chantier futur plus vert… et efficace.