18 septembre 2017
Par Léa Méthé Myrand

Un nouvel utilitaire web facilite la conception sécuritaire de systèmes de corde d’assurance horizontale (SCAH).

Les chutes de hauteur constituent la deuxième cause de lésion sur les chantiers de construction, après l’effort excessif. Entre 2002 et 2011, 411 cas de chutes à un niveau inférieur ont été documentés par la CNESST, occasionnant en moyenne 319 jours d’absence au travail. Quatre travailleurs de la construction en sont morts.

 

« Les chiffres parlent d’eux-mêmes, mentionne Dorothée Vallée, conseillère en prévention à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Au cours des cinq dernières années, on a enregistré en moyenne 700 chutes de hauteur dans l’industrie et quatre décès, dont un en 2015. Globalement, les statistiques se sont améliorées avec le resserrement de la réglementation, mais la situation demeure quand même très préoccupante. »

 

La prévention passe par une variété de mesures dont le port du harnais de sécurité lorsque les moyens de protection collectifs ne sont pas envisageables. Les systèmes de corde d’assurance horizontale (SCAH) sont composés d’un câble installé à l’horizontale entre des ancrages. Aussi appelés systèmes d’ancrage continu flexible ou ligne de vie, ils retiennent le travailleur harnaché au moyen d’une longe qui glisse latéralement le long du câble d’assurance et permet de se déplacer sur une plus grande surface de travail. Les SCAH offrent une protection continue sans que l’utilisateur ait à s’attacher et se détacher fréquemment pour effectuer ses tâches.

 

« On aimerait promouvoir ce type de système qui s’avère plus commode pour l’utilisateur que les ancrages fixes, et ainsi voir un impact positif sur les chiffres de chutes de hauteur », explique Bertrand Galy, ingénieur et chercheur à l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST).

 

Liberté et sécurité en hauteur - Photo de IRSST

 

Dans le cas de travaux d’assemblage et de finition sur les toitures, on installe le câble horizontal une fois les fermes posées. « Ça permet aux travailleurs de se déplacer partout sur le toit, dit Bertrand Galy. Il y a un gain d’efficacité ». Comme les mouvements sont moins entravés et la progression du travail facilitée, on estime également que la tentation sera moins forte de travailler sans protection.

 

Selon le chercheur, le SCAH est particulièrement attrayant pour les monteurs d’acier, qui peuvent ancrer le système à la structure lorsque les composantes se trouvent encore au sol. Lorsqu’on hisse la poutre, le système est déjà en place, ce qui élimine le risque de chute lors de l’installation.

 

Les SCAH sont un moyen efficace et peu coûteux de protéger les travailleurs. Toutefois, à moins de se conformer aux critères minimaux très conservateurs spécifiés au Code de sécurité pour les travaux de construction, ceux-ci doivent être conçus par des ingénieurs. En passant par ces professionnels, la nouvelle méthodologie élaborée par l’IRSST à la demande de l’ASP Construction permet aujourd’hui de concevoir des SCAH plus fonctionnels et moins chers que jamais.

 

L’IRSST avait produit en 1991 des abaques pour faciliter la conception des SCAH. L’Institut a choisi de revisiter ces grilles de calcul pour tenir compte de l’évolution de la réglementation, dont l’introduction obligatoire des absorbeurs d’énergie en 1994. Cette composante, destinée à protéger la colonne vertébrale lors de l’arrêt de chute, modifie le dégagement vertical nécessaire pour une utilisation sécuritaire.

L’étude « Conception des cordes d’assurance horizontalespour la protection contre les chutes de hauteur », publiée en février 2016, a été l’occasion pour les chercheurs Bertrand Galy et André Lan de valider la méthodologie lors d’essais expérimentaux.

 

« L’avantage de la nouvelle méthode, c’est qu’avec des calculs plus proches de la réalité, on est en mesure de spécifier des équipements tout aussi sécuritaires, mais plus légers et plus faciles d’installation. On pense par exemple à la sélection de câble de moindre diamètre ou de potelets d’aluminium au lieu de ceux en acier. »

 

La démarche révisée tient aussi compte de la flexibilité des potelets d’ancrage. « Depuis l’introduction obligatoire des absorbeurs d’énergie pour les travailleurs, explique Bertrand Galy, les concepteurs étaient tentés d’en installer aussi sur le câble horizontal. Or, ce n’est pas forcément un bon choix pour une installation typique. » L’ajout de cet élément s’avère souvent superflu et prolonge en outre la chute verticale. « Ça demeure le rôle de l’ingénieur de déterminer la nécessité ou non des absorbeurs », rappelle le chercheur.

 

Les résultats, publiés dans un rapport, sont également diffusés par un utilitaire web permettant de valider la sécurité d’un SCAH en quelques minutes à l’adresse : www.irsst.qc.ca/scah. L’application valide ainsi le dimensionnement d’un système en calculant la tension dans le câble et la déflexion de celui-ci lors de l’arrêt de chute. On remplit le formulaire en indiquant le type d’ancrage, la dimension et la composition des potelets, la longueur du câble horizontal, sa flèche (tension initiale) et le nombre de travées (sections entre les potelets), s’il y a lieu.

 

Le résultat indique si les potelets et les ancrages spécifiés sont adéquats et permet de modifier les paramètres pour raffiner la conception. Un deuxième calcul sert à valider le dégagement nécessaire afin de s’assurer que le travailleur n’atteindra pas le sol avant que sa chute ne soit stoppée par le SCAH.

 

« L’outil s’adresse aux ingénieurs qui conçoivent les systèmes de protection contre les chutes, mais également au personnel responsable de la santé et sécurité au travail qui veulent faire une validation rapide de la fiabilité du système. » L’IRSST rappelle toutefois que l’utilitaire web ne remplace pas l’avis d’un ingénieur et ne constitue pas une preuve qu’un SCAH est sécuritaire. Celui-ci doit être utilisé avec discernement.

 

L’utilitaire web est conçu avec des dimensions basées sur le système métrique, mais certains paramètres proposés dans les menus déroulants sont également listés en format impérial pour refléter la réalité du milieu de la construction; le diamètre des câbles d’acier par exemple. Les listes de valeurs fournies correspondent aux standards de l’industrie canadienne, mais l’utilisateur peut en spécifier d’autres, ce qui rend l’outil utilisable partout dans le monde. L’application web est disponible en français et en anglais. L’IRSST étudie la possibilité de proposer une version espagnole.

 

 


Cet article est tiré du Supplément thématique – Santé et sécurité 2017. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !