Passerelle flottante semi-submergée, jardin minéral, belvédère, pavillon d’accueil.... le projet offrira à terme aux visiteurs une expérience unique.
Deuxième attraction en importance dans la Ville de Québec, le parc de la Chute-Montmorency, sur la Côte-de-Beaupré, attire chaque année 850 000 visiteurs. Et avec le réaménagement colossal qui a cours sur le site à l’heure actuelle, la Société des établissements de plein air du Québec (Sépaq), son propriétaire, espère faire grimper ce chiffre à plus d’un million.
Il y a quelques années, la Sépaq a couché sur papier un plan directeur visant à réaménager le pied de la chute Montmorency. Deux secteurs principaux allaient passer sous le bistouri : l’aire et le bâtiment d’accueil ainsi que les parcours piétonniers, rebaptisés pour l’occasion « l’Expérience chute ». Le propriétaire tenait à apporter des modifications sous le signe de la simplicité, afin que la pièce maitresse demeure la chute elle-même.
Des travaux d’envergure
Un tel projet devait bien entendu se réaliser par phases. La première phase, qui concerne la passerelle contemplative, est complétée. La deuxième, qui se sépare en trois volets, touche, dans un premier temps, le sentier, le jardin minéral et le belvédère sur la rive est. Ces travaux sont présentement en cours, comme ceux du deuxième volet qui regarde la passerelle flottante semi-submergée. Le dernier volet de cette deuxième phase, pour sa part, se rapporte aux voies de halage sur la rive ouest et a été livré. Finalement, la troisième phase, elle aussi complétée, concerne le pavillon d’accueil et le sentier nature sur la rive ouest.
Les visiteurs peuvent donc déjà profiter de la toute nouvelle passerelle contemplative. L’ancienne étant plutôt étroite, la Sépaq aspirait à offrir un chemin plus agréable afin de permettre aux visiteurs d’y flâner à leur guise. Elle souhaitait aussi rendre le site accessible universellement. Du côté des architectes, en équipe avec la Sépaq depuis les balbutiements du réaménagement, l’objectif était d’intervenir le moins possible sur le milieu sensible que représente le parc de la Chute-Montmorency.
« L’idée était de faire en sorte que chacun des gestes posés vienne éventuellement magnifier le paysage », souligne Eric Lizotte, architecte associé chez Daoust Lestage Lizotte Stecker. « Le client et nous souhaitions une résolution architecturale qui se voulait en respect avec le paysage. »
Le résultat donne une passerelle élargie en acier, recouverte de bois et dotée de gradins. Pour arriver à fixer une telle structure au site, les ingénieurs ont dû user d’imagination. « Nous étions en charge de la structure qui se trouve en dessous », explique Martin Lemyre, ingénieur en structure et en génie maritime chez Tetra Tech. « Comme la future passerelle allait être supportée par les piles du pont ferroviaire qui passe au même endroit, nous nous sommes appuyés sur le même poteau qui soutenait la passerelle d’autrefois, mais nous nous sommes lancés en porte-à-faux vers la chute. Et nous sommes venus stabiliser le tout avec des poutres fléaux de chaque côté des piles, ancrées au roc par des tirants. »
Pour l’entrepreneur, Construction Deric, le défi résidait dans la finition. « C’est un énorme ouvrage de fini en structure d’acier, avec des planches de platelage parfaitement installées de façon rectiligne. Tout se devait d’être uniforme et d’une qualité exceptionnelle afin de respecter les normes élevées de réalisation », indique Jérôme Després-Grenier, chargé de projet pour l’entrepreneur.
Boucler la boucle
L’Expérience chute forme une boucle, c’est-à-dire que les visiteurs passeront deux fois plutôt qu’une devant la chute au cours du parcours qui ceinture le bassin. La passerelle contemplative et les aménagements piétonniers sur les rives ouest et est seront complétés par une seconde passerelle. Incarnant à l’oeil un miracle d’ingénierie et une pièce probablement unique au monde, cette dernière sera semi-submergée.
Une usine de Saint-Alexandre-de-Kamouraska – Les Entreprises JPC, en sous-traitance pour Construction Polaris – travaille actuellement à la construction de cette impressionnante structure amovible. En effet, comme elle baignera dans les eaux de la rivière Montmorency, elle devra être retirée chaque automne puis remise en place à l’été. Des voies de halage et tout un système de treuils sont prévus afin de la remiser bien en sécurité à l’abri de la débâcle printanière. Cette passerelle sera formée de 16 sections mesurant 12 mètres (m) chacune, qui seront ensuite assemblées en deux tronçons distincts. Ce sont ces tronçons qui seront détachés en novembre, rangés quelques mois puis rattachés les beaux jours revenus.
En tout, on parle de 300 tonnes d’acier, divisées en deux tronçons de 80 m et de 100 m de long qui flotteront dans la rivière, dont le niveau varie au gré des marées, et qui accueilleront les visiteurs directement au pied de la chute. À cet endroit, la désignation « Expérience chute » prendra tout son sens, comme les marcheurs sentiront les éclaboussures de la chute sur leur visage. Un système de toits rétractables fera d’ailleurs partie de l’ouvrage, afin de le refermer lors de conditions adverses. « La passerelle a la forme d’une poignée de valise ouverte. À chaque extrémité, il y a un système de rouleaux qui l’appuie contre deux pieux fixes, encastrés dans le roc. Cette structure fait 2 m de diamètre et émerge d’environ 6 m. On s’appuie là-dessus un peu à l’image des pontons de marina », illustre Martin Lemyre. Et pour accéder à la passerelle flottante, les visiteurs pourront emprunter, de chaque côté, des rampes aériennes, inclinées, articulées et qui atteindront 16 m de long. Celles-ci pourront ainsi s’adapter à la hauteur du niveau de l’eau et, par le fait même, de la passerelle.
Un véritable travail d’équipe
Les différents acteurs impliqués dans ce projet plus grand que nature ont tous l’impression de travailler sur un projet unique. Qu’il s’agisse des mandats grandioses, des défis rarement rencontrés ou de la localisation en milieu maritime, le projet dans son ensemble semble avoir grandement motivé les troupes. « Le client nous a fait confiance. Même si nous avons plus de 40 ans d’expérience, il nous a confié un ’’Apollo 22’’, un projet qu’il savait que personne n’avait jamais fait, mentionne Martin Lemyre. Et tout le monde est animé par le sentiment de faire quelque chose d’unique et d’extraordinaire. »
Du côté de l’entrepreneur, c’est de la collaboration dont on se souvient : « Ç’a été un excellent projet, avec un client très collaborateur. Il y avait une grande compréhension de tous. Ç’a été un climat particulièrement plaisant », indique Jérôme Després-Grenier. « Une synergie et une confiance se sont établies entre tous les professionnels et le client au moment de la conception. Tous se sont mis au service du projet et ont osé s’éloigner des normes standards pour vraiment user d’imagination pour répondre aux différents impératifs architecturaux », termine quant à lui Eric Lizotte.
Depuis le début du réaménagement, une multitude d’études ont dû être menées et plusieurs permis ont dû être obtenus. Par exemple, l’option d’un trottoir surélevé près de l’aire d’accueil a été préférée afin de poser le moins grand impact possible sur la grève; un permis pour draguer la rivière a été obtenu pour permettre à la future passerelle de flotter aisément, et ce, sans avoir recours à du dynamitage; un autre permis a été obtenu pour les voies de halage qui se trouvent en zone littorale; l’entrepreneur a travaillé avec de la machinerie carburant à l’huile biologique en raison de la proximité des chantiers avec l’eau; des jetées temporaires ont été installées pour réaliser les travaux en bordure de rivière. Des acteurs tels que Pêches et Océans Canada et des membres des Premières Nations sont consultés régulièrement, de même que le ministère de la Culture et des Communications, qui veille au grain dès qu’on souhaite modifier un site historique.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Infrastructures et grands travaux 2022. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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