Un chantier en apparence normal s’active depuis ce printemps, à Trois-Rivières. Le pont d’étagement de la route 157, au-dessus du chemin de fer Québec-Gatineau, est reconstruit selon une méthode inusitée de construction accélérée par glissement.
Un certain battage médiatique s’est organisé autour du projet de réfection du pont d’étagement du boulevard Thibeau, à Trois-Rivières. Le ministère des Transports du Québec (MTQ), gestionnaire de l’infrastructure, a présenté son projet de construction accélérée par glissement. La méthode déjoue l’ordre normal des étapes de la construction et réinvente les pratiques. Chez les acteurs du milieu, elle les rend fébriles. « C’est bien différent d’une construction conventionnelle. La méthode elle-même est innovatrice, c’est de l’ingénierie créative » s’enthousiasme Anne-Sophie Richard, ingénieure au MTQ et chargée de projet pour la réfection du pont d’étagement de la route 157, à Trois-Rivières. Et pour cause !
Le nouveau tablier, construit à proximité de la structure existante, sera mis en place par glissement sur les nouvelles unités de fondation, via un système de rails, pour ensuite être raccordé à la route. Un défi, selon Anne-Sophie Richard : « Il faut le glisser dans sa position finale avec le même niveau de qualité et de précision qu’on aurait eu avec une construction conventionnelle.» La méthode de construction accélérée par glissement provient de l’Accelerated Bridge Construction (ABC), un groupe de réflexion – ou think tank – de constructions novatrices et rapides des ponts.
Une expertise à développer
Du jamais vu au Québec. Ou presque. La méthode a en effet déjà été employée par le MTQ, il y a de cela plusieurs années. Il faut en effet retourner en 2008 pour voir la construction accélérée par glissement se déployer pour une toute première fois, sur une structure de Pont-Rouge, en banlieue de Québec. Entre le premier projet-pilote de Pont-Rouge et celui actuellement en chantier à Trois- Rivières, le MTQ a profité des dernières années pour se doter d’une expertise en la matière. Les normes et cadres de réalisation des projets de type construction accélérée seront d’ailleurs balisés dans un premier guide à paraitre vers 2023, en partenariat avec l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ).
Bien qu’une normalisation des constructions accélérées soit donc à venir dans les prochaines années, elles ne pourront être sélectionnées que pour certains types de projets seulement, méthode par glissement comprise : « On ne peut pas l’utiliser pour tous les projets », prévient Roxanne Pellerin, porte-parole régionale pour la Mauricie et le Centre-du-Québec au MTQ. « Il y a plusieurs critères déterminants », spécifie-t-elle.
L’urbanité du milieu en est un. Sur cet axe routier névralgique de la capitale régionale, le projet du pont d’étagement Thibeau devait limiter les perturbations routières et les conséquences collatérales sur les institutions et les commerces avoisinants. Seule une saison (30 semaines) de travaux est planifiée. Non seulement la durée du chantier est réduite significativement, mais la méthode permet également de perturber le moins possible le flux journalier pendant l’exécution même des travaux, puisque les 17 000 usagers quotidiens seront redirigés vers le nouveau tablier… avant même son installation dans sa position finale, au moyen d’un chemin de déviation préalablement aménagé pour le transfert de la circulation, permettant le début de la démolition de la structure existante et la reconstruction de ses nouvelles unités de fondation. À noter que dans le cas du pont d’étagement de la route 157, qui surplombe un chemin de fer, la circulation ferroviaire n’est pas perturbée durant la réalisation du projet.
Le chantier est décloisonné au profit de l’accélération des travaux, ce qui implique un critère fondamental pour la construction par glissement : l’espace disponible, puisque pour ce faire, la méthode fait intervenir des constructions en parallèle. L’absence de chemin de détour obligeant une fermeture complète d’un lien routier fait également partie des critères de qualification. Dans le cas de Pont-Rouge, la volonté de préserver les utilités publiques avait également été un critère déterminant dans le choix de cette méthode.
Un choix calculé
Elle est innovante, certes, mais tout de même dispendieuse, la méthode de construction accélérée par glissement. Le système sur rails à lui seul représente un investissement majeur. Le calcul serait cependant en faveur d’un équilibre des couts, selon Roxanne Pellerin : « C’est un plus grand investissement financier initial. En revanche, le cout est compensé par un gain en temps. » Mis en chantier ce printemps, le pont du boulevard Thibeau serait livré à neuf dès l’automne. Dans la méthode conventionnelle de construction par phases, le chantier aurait été estimé à une durée s’élevant à deux ans.
Fait intéressant : la construction accélérée, telle la méthode par glissement, comporte certains avantages environnementaux. Lourds sur le plan environnemental, les gaz à effet de serre (GES) générés par les activités de construction sont proportionnels à la durée d’un chantier. On réduit significativement leur émission dans un scénario de construction accélérée. Les GES sont aussi émis en moins grande quantité par les usagers de la route, qui créent moins de bouchons de circulation qu’aux abords d’un chantier conventionnel.
Il y aurait, à l’heure actuelle, environ une vingtaine de projets de construction accélérée en préparation ou à l’étude sur les planches du MTQ. Le Ministère affiche d’ailleurs ouvertement sa volonté d’emprunter la voie accélérée dans l’avenir. La méthode par glissement semble pour sa part faire un retour en force, sur des piliers plus solides que jamais.
Quatre principales étapes permettront de réaliser les travaux à l’aide de la méthode de construction par glissement.
1. Construction du chemin de déviation et du nouveau tablier dans sa position temporaire
2. Transfert de la circulation sur le chemin de déviation, démolition de la structure existante et construction des fondations de la future structure
3. Glissement du nouveau tablier sur les nouvelles unités de fondation
4. Raccordement du nouveau tablier à la route 157
Cet article est tiré du Supplément thématique – Infrastructures et grands travaux 2022. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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