Le défi du bâtiment vivant : des ambitions vert foncé

12 janvier 2010
Par Mathieu Fleury

Hubert Reeves affirme, dans son ouvrage Mal de Terre, que la plus grande réalisation du mouvement écologique est la conscientisation des individus, à l’échelle mondiale. De cette prise de conscience collective semblent se manifester les premiers effets. L’intérêt grandissant pour les constructions écologiques constitue une manifestation concrète de cette lucidité nouvelle face aux moyens de remédier aux problèmes environnementaux.

 

La certification LEED constitue la méthode la plus répandue pour évaluer la performance des bâtiments. Le système étant maintenant connu de plusieurs, celui-ci fait l’objet de critiques et doit faire l’objet de réévaluation et d’améliorations constantes. Par exemple, la version actuelle de LEED accorde un point si le projet n’est pas situé sur « un terrain qui sert d’habitat pour toute espèce menacée ou en voie de disparition ». Les objectifs de ce crédit sont certes nobles. Cependant, il signifie qu’un projet de construction qui causerait la disparition d’une espèce vivante pourrait toujours prétendre avoir été réalisé de manière écologiquement responsable. Cette possibilité, parmi d’autres, soulève de nombreuses interrogations et provoque l’apparition de certifications alternatives, plus exigeantes.

 

Le Cascadia Green Building Council a récemment mis en place ce qu’il nomme le « Living building challenge (LBC) »[1]. Ce défi écologique est basé sur l’affirmation que même si tous les nouveaux bâtiments étaient réalisés de manière à obtenir une certification LEED Platine, nous ne serions détournés de la catastrophe écologique à venir : elle ne serait que retardée. La solution de rechange proposée se veut vert foncé : les projets doivent présenter un bilan zéro en ce qui a trait à l’utilisation de l’eau et de l’énergie, doivent satisfaire des exigences rigoureuses en matière de sélection de matériaux et présenter des qualités esthétiques uniques qui favoriseront leur préservation dans le temps.

 

La certification LBC comporte 16 exigences, aucun crédit ni point. Ces requêtes rigoureuses sont classifiées en plusieurs catégories semblables à celles que l’on trouve dans le processus LEED : site, énergie, matériaux, eau, qualité des environnements intérieurs et, finalement, beauté et inspiration. Un « édifice vivant » doit donc avoir un impact environnemental nul : une avancée par rapport à LEED. Comme cette approche est nouvelle, les équipes de projet doivent proposer diverses stratégies afin de respecter les exigences de la certification et, éventuellement, des compromis sont possibles. Par exemple, si la meilleure technologie en matière de panneaux photovoltaïques venait d’Asie, les constructeurs auraient la possibilité de l’importer si la production d’énergie requise par le bâtiment au cours de son exploitation peut être fournie par ceux-ci et que ces produits ne sont pas disponibles au Québec.

 

De par ces exigences strictes couplées avec la possibilité de performance exemplaire comme outil de négociation, le défi du bâtiment vivant vise le développement et l’échange de technologies biologiques et énergétiques de haut niveau : il cherche à provoquer l’évolution du marché. En effet, il y a lieu de se questionner lorsqu’il est possible de constater qu’au Québec, des composantes de bâtiment entièrement composées d’aluminium recyclé ne sont pas disponibles ; l’aluminium n’est-il pas 100 % recyclable ? Il semble crédible que si la demande pour ces produits devient une exigence stricte, l’industrie de l’aluminium proposera de nouveaux matériaux, présentant une esthétique nouvelle et surtout, étant écologiquement et socialement responsables.

 

En étudiant en détail les exigences du LBC, force est de constater que le défi, en apparence simple, est grand. Les projets, tout en étant localisés sur des sites déjà développés, doivent être autosuffisant en eau et énergie. Les technologies actuelles de production énergétique et de traitement des eaux exigent beaucoup d’espace, de terrain. Par conséquent, il semble y avoir contradiction dans les exigences du LBC. En réalité, ces objectifs en apparence incompatibles se veulent un appel à la créativité, à l’innovation, au risque de la réussite. Pourquoi serait-il impossible d’intégrer aux bâtiments existants des systèmes destinés à l’autonomie et l’indépendance de ceux-ci ? Il semble que, à l’instar de l’Allemagne, une stratégie de retour d’électricité, de vente individuelle au réseau public, constituerait enfin un réel incitatif au développement de sources d’énergie nouvelles et renouvelables.

 

Le défi du bâtiment vivant vise un impact environnemental nul ; le défi du bâtiment vivant se veut une option prétendant être un moyen de se détourner de la catastrophe environnementale qui, selon plusieurs, nous menace. Pourtant, quelques recherches permettent rapidement de constater que les projets visant la certification LBC sont tous, au-delà de leur fonction unique, situés en milieu naturel, boisé. La prochaine étape semble se dessiner d’elle-même : des projets n’ayant pas un impact environnemental nul mais positif.

 

La plupart des projets courtisant la certification LBC prétendent avoir un potentiel de restauration environnementale. Les idées demeurent divisées sur les méthodes afin d’obtenir un bilan écologique positif. Certains prônent les tours munies de murs-rideaux dont la surface est constituée entièrement de panneaux photovoltaïques (incluant les portions transparentes), d’autres sont partisans de constructions de plus petite échelle, intégrant une végétation et une biodiversité abondante. Ces réponses au défi du LBC sont en réalité toutes adéquates, chaque projet devant être abordé contextuellement.

 

Mathieu Fleury est chargé de projet chez Hudon Julien Associés.

 



[1] http://www.cascadiagbc.org;  http://ilbi.org

 

 

Conseil du bâtiment durable du Canada