Habitations mixtes – Une sagesse à partager

6 février 2012
Par Étienne Soucy

Vieillissement : Développement résidentiel (3/3)

 

Unir force et sagesse : bon concept. C’est ce que proposent les projets d’habitations multigénérations. Ce type d’habitations nouveau genre, qui ont d’abord vu le jour dans les pays scandinaves, risquent fort de faire des petits ailleurs dans le monde au cours des prochaines années. Zoom sur un phénomène novateur voué à prendre de l’ampleur.

 

La notion de résidence mixte est récemment apparue au Danemark, à la fin des années 1970. Au début, on avait commencé par inclure des chambres pour personnes âgées dans des immeubles locatifs habités à la base par des étudiants et des jeunes professionnels. Tout le monde partageait une cuisine commune et une salle de séjour commune. Pour Ernesto Morales, architecte et chercheur à l’Institut de gériatrie de Montréal, c’était « comme une grande maison ». Puis, petit à petit, la taille de ces habitations a augmenté pour faire place tranquillement à de grands complexes d’appartements.

 

Les personnes âgées au cœur de la société

Prévues pour accueillir des gens tous les âges, ces habitations ont été conçues de façon à métisser les différents tissus démographiques, dont les aînés. C’est qu’il faut d’abord savoir que chez les peuples scandinaves, la mentalité est bien différente concernant les personnes âgées : « Pour eux, les personnes âgées font encore partie du cœur de la société. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien qu’on remarque une différence marquée dans l’âge du départ vers la retraite en Europe et celui en Amérique du Nord. En Europe, et particulièrement au nord, on croit en la force et la sagesse des personnes âgées », précise M. Morales. Les gouvernements scandinaves y établissent aussi des mesures visant à favoriser leur intégration dans la société.

 

Selon le chercheur, le phénomène de mixité est apparu pour ne pas isoler les personnes âgées, ce que le départ en résidence pour aînés classique peut engendrer. D’ailleurs, M. Morales s’inquiète du mouvement de centrifugeuse qui s’effectue lentement dans la région métropolitaine et qui sépare les aînés des jeunes adultes : « Des études nous montrent que la plupart des personnes âgées déménagent en banlieue sud ou nord alors que les jeunes adultes prennent d’assaut le centre de Montréal, ce qui n’a aucun sens. »

 

Au Danemark, en Suède, en Finlande et même en Allemagne, on contre ce phénomène en construisant des complexes d’habitations mixtes. Et ils sont bien équipés, ces complexes. Il y a des appartements spécialisés, conçus expressément pour des résidents en chaise roulante ou à mobilité réduite et équipés de façon à faciliter le quotidien de ces occupants, et ce, le plus longtemps possible. Il y a aussi des petits studios pour les étudiants, autant que des appartements pour les familles avec de jeunes enfants.

 

On prévoit à l’intérieur des bâtiments des centres de santé, un peu comme des CLSC, destinés aux soins à apporter aux résidents âgés. Cette mixité des habitants du complexe est très importante pour les personnes âgées : « Le contact social est très intense. Les personnes âgées peuvent être en contact avec les plus jeunes, interagir et donc se sentir utiles », affirme l’architecte.

 

Envisageable au Québec ?

M. Morales affirme que la réponse est favorable de la part des résidents de ce type de complexe. Selon lui, autant pour les résidents plus jeunes que pour les aînés. Lorsqu’on lui demande si ce type d’habitations fera son bout de chemin dans le reste du monde, et particulièrement au Québec, il reste prudent : « Évidemment, que la venue de ce type d’habitations serait bien accueillie au Québec par la plupart des gens. Mais comme la mentalité envers nos aînés est un peu différente qu’en Europe, ce n’est pas tout le monde qui voudrait habiter dans des complexes multigénérations. »

 

On a par ailleurs annoncé les premiers projets du genre au Québec. Par exemple, le site de l’ancienne usine Norampac, dans Rosemont - La-Petite-Patrie verra bientôt s’établir un important complexe de 1 200 logements dont 60 % seraient réservés à des personnes retraitées autonomes ou semi-autonomes. Ce projet est chapeauté par le promoteur Groupe Réseau Sélection. Pour le spécialiste en gériatrie, c’est un pas dans la bonne direction.

 


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Un Québec grisonnant (Portrait de la situation 1/1)

 

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Une communauté en mouvance (Développement résidentiel 1/3)

Résidences pour retraités – Demain, c’est loin ? (Développement résidentiel 2/3)

Habitations mixtes – Une sagesse à partager (Développement résidentiel 3/3)