22 décembre 2017
Par Jean Garon

L’industrie de l’acier continue à faire valoir ses lettres de noblesse auprès des concepteurs de bâtiments, qui n’hésitent pas à y avoir recours pour solutionner certains problèmes structuraux et même innover.

Hellen Christodoulou, directrice régionale de l’Institut canadien de la construction en acier(ICCA), a profité du gala de remises des prix d’excellence 2017 pour féliciter le savoir-faire québécois en la matière. « Le ciel est la seule limite pour l’acier. L’industrie canadienne de la construction en acier pèse lourd dans l’économie et en représente une part importante. C’est une industrie dynamique, un véritable moteur d’innovation, de création d’emplois et de croissance économique au Québec. »

 

Bilan en continu

La passerelle du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), conçue par la firme CannonDesign + NEUF Architecte(s), est un bel exemple d’innovation dans l’utilisation de ce matériau. Le projet a posé plusieurs défis aux architectes et aux ingénieurs, à commencer par sa conception hors sol et en hauteur. La seule façon d’obtenir une dérogation à la réglementation de la Ville de Montréal, qui interdit les passerelles aériennes, était d’en faire une oeuvre d’art dans le paysage urbain.

 

Passerelle Copper Sheet Structure - Photo de CannonDesign + NEUF architect(e)s

 

Chez CannonDesign, l’architecte Michael Mueller raconte qu’il était important pour le client que le lien soit créé au cinquième étage, entre le bâtiment logistique où se trouvent les laboratoires et le bloc opératoire de l’hôpital. « On a transformé ce lien fonctionnel important en une véritable oeuvre d’art, dit-il. Suspendue au-dessus de la rue Sanguinet, elle s’illumine comme une lanterne la nuit. Ses milliers de perforations forment une arche au-dessus de la rue soulignant la circulation publique et marquant l’entrée de l’hôpital. » Ces perforations transforment l’aspect de la passerelle, parfois transparente, brillante, ou opaque, selon l’heure de la journée.

 

La fine structure d’acier sur laquelle repose la passerelle de cuivre est l’essence même de la réalisation de ce projet, estime l’architecte. « Le cuivre a toujours occupé une place importante dans l’architecture de Montréal, notamment dans les toitures et les clochers d’églises. Il est aussi présent dans de nombreux éléments du nouveau campus. En plus d’apporter un renforcement latéral, l’utilisation de ce matériau de manière plus contemporaine marque les éléments clés du complexe et l’unifie. »

 

3D Print - Photo de CannonDesign + NEUF architect(e)s

 

Le tout a été possible grâce à la modélisation de maquettes en 3D. Les paramètres de conception du logiciel Revit ont permis d’évaluer les différentes conditions et itérations jusqu’à l’obtention du résultat final, avant la construction. Une coordination étroite entre les différents acteurs impliqués s’en est vue assurée, évitant au passage des erreurs d’interprétation de certains détails dans les plans de fabrication et d’installation.

 

Ingénieure en structure chez Pasquin St-Jean et Associés, Vanessa Pace souligne l’innovation que présente la forme même de la passerelle. « Celle-ci tient à l’assemblage de deux poutres supérieures d’environ un mètre de hauteur par 22 mètres de longueur qui supportent l’ensemble de la structure. Chaque poutre a dû être assemblée en deux parties en raison des limitations de transport, et pour faciliter l’installation en hauteur », explique-t-elle. Dix-sept arceaux en acier inoxydable y sont attachés pour former la coquille extérieure sur laquelle sont fixés les panneaux de cuivre perforés.

 

La passerelle elle-même, d’une largeur de 2,5 mètres, est construite à l’intérieur de cette structure à l’aide de colonnes suspendues aux poutres principales. La forme de celle-ci se veut unique. « Sa conception dans les moindres détails a posé tout un défi, admet l’ingénieure, tout comme les conditions d’installation en hauteur et sur un plan incliné de 650 mm en raison de la différence de hauteur entre les planchers des deux bâtiments. » Chaque arceau de la structure se trouve donc attaché aux deux poutres principales de façon différente.

 

L’ingéniosité de cette création a d’ailleurs valu plusieurs prix d’excellence à ses concepteurs et constructeurs, dont celui de l’ICCA dans la catégorie Escaliers– Passerelles architecturales et Montage (ingéniosité-constructibilité).

 

Un bâtiment à géométrie complexe

Théâtre gilles-vigneault-salle de spectacle de st-jérôme - Image de Doug and Wolf

 

La complexité de réalisation d’un ouvrage justifie souvent le recours à l’acier comme matériau structural. C’est le choix qui a été fait pour la construction du ThéâtreGilles-Vigneault à Saint-Jérôme, conçu par les firmes Atelier TAG et Jodoin Lamarre Pratte architectes(JLP).

 

Bien que le bois et le béton entrent aussi dans la composition de ce bâtiment, l’acier constitue 90 % de la structure (planchers, poutres et colonnes). Selon l’ingénieur Steve Parent, en charge de la conception du projet chez SDK et associés, c’est « une question de coût et de facilité d’installation ».

 

La géométrie très particulière du théâtre présentait une certaine complexité sur le plan architectural. « Avec ses deux gradins en acier construits en porte-à-faux, il a fallu composer avec peu de colonnes en position aléatoire, ce qui entraînait beaucoup de transfert. » Selon lui, l’option d’une construction en acier facilitait le tout, d’autant plus que plusieurs de ces colonnes sont apparentes et supportent une structure en bois qui l’est également. D’où l’importance d’installer le bon matériau au bon endroit.

 

Théâtre gilles-vigneault-salle de spectacle de st-jérôme - Photo de Boyer Media

 

Son collègue chargé de projet, l’ingénieur Stéphan Blais, renchérit : « Il a fallu user d’astuces pour compenser l’impossibilité d’utiliser la solution du contreventement d’une grande zone à l’entrée du bâtiment ».

 

L’installation de la structure au chantier n’était pas une mince tâche non plus. La séquence de montage prévoyait un assemblage de l’arrière vers l’avant, mais le procédé a dû être inversé.

 

La conception en 3D fut également mise à profit pour ce projet. La complexité de l’ouvrage a toutefois nécessité une collaboration très étroite, autant avec le client qu’avec les architectes et les ingénieurs en mécanique, afin d’intégrer la mécanique à l’architecture. « Même si l’on fait des plans extrêmement précis en 3D, on n’est jamais assez vigilant pour assurer la bonne compréhension de tous », affirme l’ingénieur Steve Parent, qui travaille en Building Information Modeling (BIM) depuis une douzaine d’années.

 

C’est la conception de la structure, de par son ingéniosité et sa précision, qui détonne dans la réalisation de ce bâtiment complexe. Cette réalisation a également mérité un prix d’excellence de l’ICCA dans les catégories Projets jeunes ingénieurs– Architectes et Projets coup de coeur du jury : Bâtiments.

 


Cet article est tiré du Supplément thématique – Bâtiment 2017. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !