20 mai 2016
Par Léa Méthé Myrand

L’usage des drones est appelé à changer la façon d’assurer le suivi des travaux sur les chantiers de construction.

Les aéronefs sans pilote (ASP), ou drones, font leurs débuts dans le milieu de la construction au Québec. Dédiés principalement à l’arpentage et à l’inspection, une percée technologique attendue d’ici trois à cinq ans leur confèrera un potentiel énorme pour le monitorage des chantiers. La photo aérienne a longtemps été un outil privilégié par les arpenteurs pour effectuer des relevés sur de vastes distances.

 

Les drones sont des appareils plus petits télécommandés par un opérateur au sol. Ils volent à basse altitude et peuvent se déplacer lentement, voire même s’immobiliser, ce qui facilite les prises de vues précises et nettes. En construction, on s’en sert notamment pour modéliser la topographie du terrain à bâtir. Les reconstitutions 2D et 3D des sites permettent aussi de prévoir les volumes et déplacements de matières lors de l’excavation.

 

L’avenir, cependant, est au jumelage de la modélisation des données d'un bâtiment (BIM) avec un suivi de la progression des travaux par drone. En effet des levés effectués à intervalles réguliers et comparés avec l’imagerie BIM permettent d’évaluer la progression des travaux et de valider le « tel que construit » par rapport aux plans.

 

Outre la garantie que cela constitue pour le client, cette approche donne aux gestionnaires de chantiers d’envergure la possibilité de cibler les zones où l’avancement est insatisfaisant, certains logiciels pouvant même détecter les retards de manière automatique.

 

Le Golden 1 Stadium, qui accueillera bientôt les Kings de Sacramento de la NBA en Californie, fait l’objet d’un tel suivi. La construction d’Aspern, un quartier multifonctionnel bâti de toutes pièces au nord de Vienne, en Autriche, est également le site d’un projet pilote de la compagnie Siemens pour l’utilisation de drones visant le monitorage des chantiers de construction.

 

Deux familles d’équipement

Une entreprise qui voudrait s’équiper aujourd’hui aurait le choix entre deux grandes familles d’équipement. La première comprend des appareils assortis de logiciels sophistiqués de qualité « arpentage » et nécessite un investissement minimum de 50 000 dollars. La deuxième réunit les appareils dits « commerciaux », dont ceux de la compagnie chinoise CGI qui met en marché des drones à moins de 10 000 dollars. Le temps consacré à la formation et à l’expertise demeure le même.

 

« Le prix d’entrée pour prétendre être opérationnel avec un premier appareil se situe entre 10 000 et 20 000 dollars », indique André Verville, propriétaire de Kildir Technologies, fournisseur de produits et services pour les opérateurs d’aéronefs sans pilote. Cela exige notamment un cours de pilotage théorique de 40 heures, une formation pour l’opération de l’appareil de deux jours, au minimum, une demande de permis auprès de Transport Canada qui exige un investissement en temps d’environ deux semaines et enfin des assurances responsabilité de 1 000 dollars et plus annuellement. »

 

Actuellement, la plupart des appareils s’orientent à l’aide de GPS, une technologie moins fiable en milieu urbain, le volume des bâtiments étant susceptible d’interférer avec la réception du signal. La nouvelle génération de drones équipés de sonars et de vision assistée, disponibles dans un avenir de trois à cinq ans, sera mieux adaptée à la navigation urbaine. Autre raison d’attendre : comme un appareil acheté aujourd’hui a une espérance de vie technologique de deux ans, on doit donc penser être en mesure de le rentabiliser pendant cette période.

 

Enfin, « les machines d’aujourd’hui sont des monstres qui pèsent entre 5 et 10 kilos. Pour la même fonctionnalité, on sera autour d’un kilo dans cinq ans », souligne André Verville. Cela représentera un danger moindre pour les tiers lors d’éventuelles chutes ou collisions. La capacité d’endommager un avion étant nulle, par exemple, Transport Canada choisira peut-être de relâcher certains contrôles. »

 

Services ponctuels

D’ici là, les entrepreneurs qui voudraient avoir recours à l’imagerie par drone à l’occasion, mais sans s’équiper eux-mêmes, peuvent faire affaire avec plusieurs fournisseurs de services. Carlo Cimo, directeur général de Génirom, une entreprise spécialisée dans l’inspection des façades et des enveloppes, fait ponctuellement appel aux services d’un opérateur de drones pour effectuer une analyse visuelle de l’état des toitures, façades en hauteur et détails architecturaux difficilement accessibles. « Le drone est équipé d’une caméra très haute définition, dit-il. On peut voir beaucoup d’anomalies : joints manquants, fissures dans la pierre, la brique ou les panneaux, l’état du calfeutrage et localiser des possibilités d’infiltration. »

 

Pour limiter les coûts et les risques de hisser des inspecteurs en suspension ou dans des nacelles, on peut réaliser une couverture systématique de la façade pour une image précise et complète en photo et en vidéo. Carlo Cimo estime de 900 à 1 200 dollars par façade les coûts liés à ce service, incluant le temps de l’opérateur et le traitement photo.

 

« Le drone ne pourra jamais remplacer un humain capable de toucher, de sonder ou de faire une ouverture exploratoire, dit-il. Pour l’inspection, il s’agit d’un complément. C’est un outil qui peut nous aider à évaluer l’état des surfaces inaccessibles ou potentiellement dangereuses. »