Tunnel L.-H.-Lafontaine : récupérer l’eau de l’hydrodémolition

1 août 2023
Par Émile Lavergne

Le projet de 2,5 milliards pour la rénovation du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, mené par Renouveau La Fontaine (RLF), se distingue par son engagement environnemental, récupérant 100 % de l'eau générée par l’hydrodémolition et le contrôle de la poussière sur le chantier.

RLF, un regroupement composé des entreprises Eurovia Infra, Pomerleau et Dodin Campenon Bernard, a obtenu le contrat principal du projet. Pendant la durée des travaux, le groupement d’entreprises est responsable de l’exploitation, de l’entretien et de la maintenance des différents sites et axes de circulation. Au-delà de ce mandat, les membres du consortium s’engagent sur la performance environnementale, sociale et sociétale de ses activités.

 

Dans cette optique, la revalorisation et la réutilisation de certains matériaux ainsi que la récupération des eaux usées ont été mises de l’avant dans le but de doter le chantier d’une approche carboneutre. À l’aide de deux unités de traitement des eaux disposées directement sur le chantier, à l’intérieur du tunnel, c’est la totalité de l’eau utilisée qui se voit traitée afin d’être remise en circulation pour les actions de démolition ou dans les caniveaux. « Il a d’abord fallu évaluer l’eau contaminée selon le contaminant. Dans ce cas-ci le béton et les matières en suspension (MES) confèrent un potentiel hydrogène (pH) élevé à l’eau », explique Christine Bélanger, conseillère environnement chez Renouveau La Fontaine.

 

Christine Bélanger, conseillère environnement chez Renouveau La Fontaine. Crédit : Ministère des Transports du Québec

 

Ainsi, l’eau est d’abord pompée pour se rendre dans le conteneur de décantation où les sédiments les plus lourds vont descendre au fond. S’ensuit une série d’étapes pour décontaminer l’eau dont l’injection de CO2 pour diminuer le pH puis un processus de coagulation et de floculation pour gérer les MES. Ce procédé permet de réduire autour de 99 % des contaminants, ce qui est au-delà de la norme environnementale exigée par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

 

Économie de temps et d’argent

« On estime qu’on a économisé jusqu’à maintenant environ 1 500 voyages de camions-citernes vers des usines de filtration en ayant ces unités de traitement sur le chantier. Autour de 60 % de l’eau est réutilisée sur ce dernier, on peut donc dire qu’on a épargné soixante millions de bouteilles d’eau », compare Mokrane Boukroune, directeur environnement chez Renouveau La Fontaine.

 

Mokrane Boukroune, directeur environnement chez Renouveau La Fontaine. Crédit : Ministère des Transports du Québec

 

En ayant conçu une méthode qui permet le traitement de l’eau sur place pour éviter le transport par camion, RLF peut affirmer diminuer les répercussions des gaz à effet de serre (GES). De plus, il faut calculer l’économie de 11 à 15 sous le litre pour le transport. « Comme le traitement se fait en continu à même le chantier, il y a beaucoup moins de perte de temps, l’eau retourne dans l’hydrodémolition », fait savoir la spécialiste.

 

Une unité de traitement des eaux peut traiter 20 mètres cubes m3 d’eau à l’heure, tout cela avec l’avantage considérable que la machine soit complètement automatique, l’ajout des produits et les étapes de purification n’ayant pas besoin de manipulation des travailleurs. En cinq mois de démolition, ce sont 30 000 m3 d’eau qui ont été traités, pour un total de 30 millions de litres.

 

Trois grands défis d’exécution

L’équipe de RLF ne cache pas que l’exécution de ce procédé en récupération d’eau a représenté une préparation en amont et une recherche de solutions tangibles pour arriver à de tels résultats. La conseillère en environnement explique que le succès de l’opération repose sur trois grands critères qui peuvent s’avérer des défis importants : l’étanchéité de l’emplacement, la prévision du bon traitement en fonction des contaminants et la disponibilité de l’espace requis pour installer une unité de traitement avec son bassin de décantation.

 

En cinq mois de démolition, ce sont 30 000 m3 d’eau qui ont été traités, pour un total de 30 millions de litres. Crédit : Ministère des Transports du Québec

 

Dans le cas du chantier ci-présent, puisque le tunnel est conçu avec un point bas, l’espace permet d’installer les équipements à l’endroit où l’eau pouvait s’accumuler naturellement. Cependant, il a fallu étanchéiser 44 puisards afin de ne pas perdre d’eau contaminée dans les égouts. L’eau accumulée dans la tranchée créée dans le tunnel est recueillie à l’aide d’une pompe et redirigée dans le conteneur de décantation. Au cours des mois, la station de traitement a dû changer d’emplacement une seule fois selon la nature des travaux et elle ne devrait plus avoir à bouger jusqu’à la fin du chantier.

 

Pour la main-d’oeuvre affectée au chantier, cela ne change pas les tâches régulières, mais demande plutôt un engagement supplémentaire de sa part. Aucune eau contaminée ne doit être rejetée sans avoir été testée et traitée au préalable. Les employés du chantier ont tous été formés en environnement et une équipe pour le traitement de l’eau et la vérification de l’étanchéité est postée en permanence, en plus de l’équipe du service environnemental qui passe surveiller le tout, et ce, tous les jours.

 

Vers une vision d’avenir pour les grands chantiers

Christine Bélanger ne cache pas qu’elle a reçu beaucoup de commentaires positifs et d’intérêt marqué sur le procédé développé dans le cadre du chantier du tunnel. « Notre façon de faire peut très bien être reproduit dans un autre grand chantier, surtout quand il est question de démolition. Nous avons développé un modèle performant et il existe diverses formes d’unité de traitement, il suffit de trouver la bonne et c’est tout à fait possible à recréer », affirme-t-elle.

 

En période de démolition pour le chantier du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, de 200 à 700 m3 d’eau sont utilisés en moyenne tous les jours lorsque la majorité des équipements utilisant l’eau sont en fonction. Les quantités d’eau peuvent cependant varier selon la météo, les équipements en place et la nature des travaux, par exemple si des travaux d’hydrodémolition sont réalisés avec un robot ou une lance ou si des travaux de démolition pneumatique sont exécutés, ces derniers demandant un arrosage en continu. La sensibilité environnementale, quoique bien encadrée par l’actuelle Loi sur la qualité de l’environnement, doit, selon Christine Bélanger et Mokrane Boukroune, servir de levier pour améliorer nos façons de faire.

 

Réfection majeure du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine

Inauguré en 1967, le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine fait l’objet d’une réfection majeure afin de prolonger sa durée de vie pour environ 40 ans sans autre intervention majeure. Notons que jusqu’en novembre 2025, la moitié des voies du tunnel restent fermées pour la réalisation des travaux.

 

« Les principales interventions dans le tunnel consistent à effectuer une réfection majeure de la structure, à moderniser les équipements d’exploitation comme la ventilation, le drainage, le pompage, à réaménager les couloirs de services et à ajouter de la protection contre les incendies », rappelle Gilles Payer, relationniste et porte-parole à la Direction générale des communications du ministère des Transports du Québec. À ces travaux s’ajoutent la reconstruction des dalles de béton de 13 kilomètres sur l’autoroute 25 dans les deux directions à l’extérieur du tunnel, entre la rue Sherbrooke et l’île Charron, et la réparation de l’échangeur Souligny.