[Pénurie de main-d’oeuvre] S’associer pour recruter

29 novembre 2019
Par Marie Gagnon

Les associations patronales déploient des solutions originales pour aider leurs membres à attirer les gens de métier.

Avec l’accélération des départs à la retraite et l’image peu glamour qu’elle véhicule, l’industrie québécoise de la construction a finalement atteint le point de bascule, passant rapidement d’une main-d’oeuvre abondante et disponible à une main-d’oeuvre rare et fortement sollicitée. Une situation d’autant plus préoccupante qu’elle survient à un moment où l’industrie tourne à plein régime.

 

Dans l’état actuel des choses, ce n’est pas nécessairement une bonne nouvelle. Plusieurs chantiers en souffrent, dont celui du Biodôme, qui en est à son troisième report et qui ne rouvrira ses portes qu’au printemps prochain. Ou encore celui du Club Med de Charlevoix, dont l’ouverture est repoussée d’un an, faute de bras pour le mener à bien. La situation est telle que les associations patronales sortent l’artillerie lourde pour aider leurs membres à recruter des travailleurs.

 

Promouvoir l’industrie

C’est le cas notamment de l’Association de la construction du Québec (ACQ) – Région de Québec, qui lançait récemment la première édition du Chantier de l’emploi, un salon de l’emploi et de la formation entièrement consacré à l’industrie de la construction. L’événement, qui s’est tenu les 18 et 19 octobre dernier, a connu un franc succès.

 

« Il est tôt pour avoir des chiffres exacts, mais on sait qu’il y a eu énormément de transport scolaire, peut-être plus de mille jeunes provenant des écoles de la région, avance la directrice générale Véronique Mercier. On sait aussi que plusieurs entreprises ont comblé des postes sur place. Mais le but premier, c’était de faire la promotion du secteur. »

 

Véronique Mercier, Photo : Laëtitia Boudaud et Marc Savard, Photo : Sylviane Robini photographie

 

Plusieurs ateliers ont été organisés à cette fin, dont un sur la place des femmes au chantier. Le salon comportait aussi un volet technologique, avec les kiosques de Fingo et du Centre d’expertise BIM du Cégep Limoilou. Il incluait également un espace de démonstration où les visiteurs pouvaient s’initier à certaines spécialités, comme la plomberie, et même s’élever dans les airs au moyen d’une plateforme élévatrice.

 

Du côté de l’Association des maîtres couvreurs du Québec (AMCQ), les membres ont accepté de bonne grâce de financer une campagne promotionnelle visant à valoriser le métier et à regarnir les cohortes dans les programmes de formation. « On a présenté l’idée à nos membres lors de notre congrès annuel, note Marc Savard, directeur général de l’AMCQ. La mobilisation a été phénoménale. »

 

Cette campagne, qui cible principalement les jeunes, s’articule autour de deux axes. D’abord la Semaine nationale des couvreurs du Québec, dont la première édition a été lancée le 2 juin dernier. L’événement, lors duquel une thématique particulière était associée à chaque journée, a également servi de rampe de lancement au site T’as pas vu ma vue, où sont diffusés divers renseignements – salaires, formation, taux de placement – ainsi qu’une vidéo promotionnelle permettant de découvrir le métier.

 

« La vidéo a été dévoilée à la foire de l’emploi de l’ACQ – Région de Québec, rapporte Marc Savard, et pouvait être visionnée avec un casque de réalité virtuelle. Parce qu’on sait que les parents jouent un rôle important dans le choix de carrière de leurs enfants, on offrait des lunettes de réalité virtuelle pour que les parents puissent vivre l’expérience. Mais il est un peu tôt pour en mesurer les retombées, ce sont les inscriptions dans les centres de formation qui nous le diront. Pour l’instant, on s’occupe de faire vivre la campagne sur différents sites, comme RDS et Facebook, et dans les commissions scolaires. »

 

Mobiliser les pouvoirs publics

Au chapitre des solutions innovantes, l’Association de la construction du Québec (ACQ) n’est pas en reste, loin de là. Se disant très préoccupée par la situation, elle porte le combat sur tous les fronts. L’Association a notamment émis 27 recommandations en lien avec la refonte du cadre réglementaire, dont l’étalement des travaux de rénovation dans les écoles au-delà de la période estivale, la révision des mécanismes d’accès à l’industrie et l’amélioration de l’offre de formation et de qualification professionnelle.

 

« Par ailleurs, une étude commandée à Raymond Chabot Grant Thornton illustre la pénurie par région et par métier, souligne Guillaume Houle, responsable des affaires publiques de l’ACQ. On constate entre autres que les métiers les moins connus, comme ferblantier, chaudronnier ou mécanicien d’ascenseur, sont également ceux qui suscitent le moins d’inscriptions.

 

« On voit aussi que l’offre de formation est limitée dans certaines régions, ajoute-t-il. Par exemple, le cours de tuyauteur n’est pas offert en Abitibi. Les jeunes viennent donc se former à Montréal. Mais, une fois diplômés, ils ne retournent pas dans leur région. « On pousse aussi pour l’accès à la formation duale, qui alterne la théorie et la pratique. Les jeunes n’auraient pas à attendre la fin de leur cours pour savoir s’ils aiment ou non leur métier. »

 

Déployer des moyens concrets

Entre-temps, l’ACQ a déployé un portail de référencement pour soutenir les efforts de ses membres. Ce portail englobe des ressources autant pour recruter des employés de chantier que pour combler des postes professionnels et des métiers hors construction. L’Association a également noué un partenariat avec Info entrepreneurs afin de fournir un accès à l’ensemble des subventions offertes à l’heure actuelle.

 

L’ACQ collabore aussi avec l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés afin d’amener les constructeurs à adopter de meilleures pratiques en matière de gestion des ressources humaines. « Il faut que les employeurs revoient leurs méthodes de gestion, relève Guillaume Houle. Il ne s’agit pas de changer la culture de l’industrie, mais de faire en sorte que les travailleurs se sentent utiles et bienvenus au chantier. »

 

Guillaume Houle, Photo : ACQ et Pierre Tremblay, Photo : ACRGTQ

 

L’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ) partage certaines des préoccupations de l’ACQ, notamment en ce qui a trait à la formation duale. « On continue de parfaire les solutions avancées l’an dernier, comme la reconnaissance des acquis pour les nouveaux arrivants et les travailleurs provenant des autres provinces, tout en travaillant à mieux faire connaitre le secteur », mentionne Pierre Tremblay, directeur des services techniques de l’ACRGTQ.

 

Il donne en exemple les journées portes ouvertes qui se sont déroulées fin septembre dans une dizaine de carrières et sablières. En plus de présenter leur secteur, les entreprises participantes en ont profité pour inviter les visiteurs à la recherche d’un emploi à déposer leur CV. « Le but, c’était de sensibiliser la population et d’encourager les candidatures spontanées, précise Pierre Tremblay. Entre 8 000 et 10 000 visiteurs en ont profité et plus d’une centaine de CV ont été soumis. »

 

L’ACRGTQ participe également à l’élaboration d’une formation pour les métiers et occupations qui n’exigent pas de diplôme à l’heure actuelle. Le contenu du programme proposé, qui déborde les 500 heures, fait l’objet d’un consensus. Reste à obtenir l’approbation du ministère de l’Éducation. « S’il refuse, on peut se tourner vers le privé, mais les écoles de métiers sont prêtes à l’offrir, note le porte-parole de l’Association. Pour l’instant, on attend. »