La ligne Micoua-Saguenay : le moteur d’une région

29 mars 2019
Par Marie Gagnon

La ligne Micoua-Saguenay renforcera la fiabilité d’un corridor fragilisé tout en alimentant un important sous-secteur du génie civil et de la voirie.

Malgré la fin de la construction de la ligne de transport Chamouchouane–Bout-de-l’Île et le parachèvement graduel du complexe La Romaine, le sous-secteur des centrales et des lignes électriques se portera plutôt bien cette année grâce à la mise en chantier prochaine de la ligne Micoua-Saguenay. Avec un budget global de 793 millions de dollars (M$), cette nouvelle ligne à 735 kilovolts (kV) figure en effet au deuxième rang des investissements annoncés par la Commission de la construction du Québec, tous secteurs confondus.

 

Dans les cartons depuis 2016, la ligne Micoua-Saguenay, la sixième du corridor Manic-Québec, se veut la réponse aux changements survenus depuis 2011 sur cette portion du réseau de transport. La baisse des prévisions de consommation de la part des industries localisées sur la Côte-Nord de même que la fermeture de la centrale nucléaire Gentilly-2 et des centrales thermiques Tracy et La Citière génèrent en effet un transit accru dans le corridor Manic-Québec, entrainant dans leur sillage leur lot de pannes et d’incidents techniques.

 

Flexibilité accrue

Ce surplus d’énergie devant désormais être acheminé depuis le complexe Manic-Outardes vers les grands centres de consommation que sont Québec, Trois-Rivières et Montréal, la construction d’une nouvelle ligne à haute tension s’avérait la seule solution viable dans le contexte actuel. « Cette nouvelle ligne va nous donner une flexibilité d’exploitation additionnelle, explique Marie-Hélène Robert, cheffe de projet pour Hydro-Québec. En termes de fiabilité et d’exploitation, c’est mieux de partager l’électricité sur six lignes de transport plutôt que cinq, il y a beaucoup moins de perte d’énergie. »

 

La nouvelle ligne suivra un tracé de 262 kilomètres (km) compris entre les postes Micoua et Saguenay. Sa construction nécessitera l’érection de quelque 600 pylônes – en V haubanés à partir du poste Micoua et conventionnels à treillis en fin de tracé – et la mise à niveau des postes. À Micoua, on ajoutera ainsi un nouveau départ de ligne à 735 kV de même que divers équipements électriques. Même chose à Saguenay, où le poste nord-est sera en outre agrandi pour accueillir un nouveau départ de ligne.

 

Complexité étendue

Ces travaux sont évalués à 690 M$, soit 632 M$ pour la ligne et 58 M$ pour la mise à niveau des postes, un budget qui témoigne non seulement de l’envergure du projet, mais aussi de sa complexité sur les plans conceptuel et technique. Plusieurs défis jalonnent en effet le parcours. Notamment dans les monts Valin où, pour éviter les zones sujettes au givre, la nouvelle ligne sera déviée de sa trajectoire pour être maintenue sous la barre des 700 mètres d’altitude.

 

« On doit aussi ouvrir un nouveau corridor à partir de Micoua, parce qu’on ne peut pas coller trois lignes à 735 kV dans un même couloir, ça multiplie les risques d’événements indésirables, ajoute Marie-Hélène Robert. Mais, comme on doit tenir compte des usages du secteur et d’un réservoir de biodiversité, il sera éloigné de dix à quinze kilomètres des lignes existantes. »

 

La présence d’espèces animales à statut particulier suppose également certains aménagements spécifiques. Comme celle du caribou forestier, qui limite l’ouverture de chemins et impose leur fermeture lorsque c’est possible. Pour faciliter ses déplacements, on rehaussera les conducteurs dans la portion qui traverse la réserve de biodiversité. Dans les monts Valin, lorsqu’il sera impossible d’éviter l’aire de répartition de la grive de Bicknell, on épargnera certains arbres afin de permettre la nidification. Dans la même optique, on installera dans l’emprise des nichoirs à l’intention du garrot d’Islande.

 

Prochaines étapes

Ces mesures d’atténuation ne sont pas pour demain, cependant. Le projet en est présentement à l’étape des autorisations gouvernementales, les audiences publiques ayant débuté le 21 janvier dernier. Le projet doit ensuite être soumis à la Régie de l’énergie, une étape amorcée le 25 février. Le chantier pourrait débuter dès septembre par des activités de déboisement, une phase qui sera fractionnée en six à dix lots et dont les premiers appels d’offres devraient sortir en juin.

 

Des études géotechniques seront menées en parallèle afin de déterminer le type de fondation, notamment pour construire en contre-pente. Quant à la ligne, sa construction sera scindée en deux ou trois lots. Les travaux devant débuter à l’été 2020, les appels d’offres seront en principe publiés au printemps de la même année. « Nous espérons obtenir toutes nos autorisations d’ici l’été, mentionne Marie-Hélène Robert. Le déboisement et les travaux de construction suivront à partir de ce moment-là, pour une mise en service en 2022. »