PAEF : Laisser la place qui revient aux femmes

24 avril 2015
Par Luc-Etienne Rouillard-Lafond

La Commission de la construction du Québec a présenté le 23 mars dernier son Programme d'accès à l'égalité des femmes dans l'industrie de la construction (PAEF) 2015-2024. L'objectif : augmenter la présence des femmes dans l'industrie de la construction.

Malgré un ralentissement de l'activité économique, la CCQ prévoit que la construction québécoise aura besoin de 7 000 à 8 000 nouveaux travailleurs au cours des cinq prochaines années. Si les chantiers de la province emploient présentement 158 000 travailleurs, seules 2 223 sont des femmes et seulement 8 % des employeurs engagent des femmes.

 

Après l'échec du dernier PAEF 1997-2012, la Commission a tenu sur une période de deux ans une vaste consultation visant à dresser un diagnostic réaliste. « Nous avons décortiqué le parcours des femmes entre le moment où elles manifestent un intérêt pour un métier de la construction jusqu'au moment où elles gagnent leur vie grâce à ce métier, explique Diane Lemieux, présidente-directrice-générale. Nous avons compris les embûches contre lesquelles elles sont susceptibles de se buter, que ce soit au niveau de l'accès à la formation, l'accès au premier emploi, le maintien en emploi et l'efficacité des recours en cas de problème. »  

 

Le nouveau programme, découlant de ce processus, a pour cible la présence de 4 500 femmes sur les chantiers à la fin de 2018, soit 3 % de la main-d'œuvre. Cette augmentation permettrait au Québec de rejoindre la moyenne canadienne.

 

Pour y arriver, la CCQ a identifié 40 mesures, articulées autour de 11 objectifs. « On va agir sur l'ensemble du parcours, donc c'est un programme d'accès autant en formation qu'en emploi, explique Audrey Murray, vice-présidente Service à la clientèle et développement. On a des mesures qui visent à agir sur les milieux de vie pour créer un milieu favorable. »  

 

Formation

La construction étant un domaine d'activité traditionnellement réservé aux hommes, un changement des mentalités est primordial pour laisser aux femmes la place qui leur revient. Le PAEF 2015-2024 compte donc sur plusieurs mesures de formation, tant dans le processus scolaire des femmes qu'auprès des différents acteurs de l'industrie.

 

Le Programme de formation des femmes en entreprise aux employeurs, dès lors en place et dont six entreprises bénéficient déjà, s'inscrit dans cette optique. Il vise ici à outiller les entreprises prêtes à embaucher une femme dans l'industrie depuis moins de six mois, sur une base volontaire, afin de développer des stratégies gagnantes d'intégration.

 

« Il y a plus de 5 millions $ par année pour les trois prochaines années qui a été réservé dans le fonds de perfectionnement de main-d'œuvre de l'industrie de la construction, pour d'une part soutenir la formation et inciter les entreprises qui vont choisir d'embaucher des femmes à améliorer leurs stratégies de gestion dans leurs équipes », explique Audrey Murray. 

 

Le PAEF prévoit aussi moduler les exigences pour prioriser les femmes dans les activités de perfectionnement et accorder une priorité d'accès aux femmes dans les centres de formation, notamment en revoyant les règles d’admission et en réservant un nombre minimum de places par cohorte. La CCQ compte de plus favoriser l'embauche de femmes enseignantes et revoir les règles de reconnaissance dans le classement en apprentissage.

 

« L'idée, c'est que celles qui sont intéressées puissent le faire et y rester, avance Audrey Murray. Et que l'on s'assure que les jeunes qui pourraient être intéressées, que ce ne soient pas pour les mauvaises raisons qu'elles ne viennent pas : des préjugés familiaux, du milieu de l'éducation dès le primaire ou des intervenants qui les influencent. »

 

Milieu de travail

Les femmes quittent deux fois plus que l'homme la construction, à hauteur de 57 %. Des études menées par des groupes de femmes en employabilité non traditionnelle identifient leur isolement et la difficulté à s'intégrer dans leur milieu de travail comme les principaux facteurs d'abandon.

 

« Dans le diagnostic que l'on a fait, on a vu que le principal facteur de non-rétention était lié à la difficulté d'intégrer une équipe majoritairement masculine, avance Audrey Murray. On voyait que les entreprises, qui comptent pour la plupart cinq salariés et moins, et les collègues de travail avaient une réelle difficulté à agir sur le changement de culture pour intégrer cette diversité. »

 

Des mesures du PAEF sont donc appelées à améliorer la qualité du milieu de travail des femmes. Le programme va notamment offrir un service d'information et d'accompagnement aux femmes, aux entreprises ainsi qu'aux associations patronales et syndicales. Soutenir la mise en place d’un milieu de travail inclusif, sécuritaire et respectueux des droits de la personne et renforcer l'efficacité des recours est aussi prévu.

 

« Nous avons des mesures d'égalité des chances, qui visent à ce que tous puissent exercer leurs droits de façon égale, des mesures de redressement temporaires, qui accordent certains avantages préférentiels tant qu'existe cette discrimination, dit Diane Lemieux. Nous mettons donc tout en œuvre pour attirer les femmes en construction, pour les rendre compétentes, qu'elles intègrent l'industrie et qu'elles aient le goût d'y rester. »

 

Afin d'atteindre sa cible, la CCQ a reçu l'appui de 11 ministères et organismes gouvernementaux et de 14 centres de formation professionnelle, qui se sont engagés à appliquer les mesures du PAEF, ainsi que le soutien de nombreuses associations patronales et syndicales.

 

« Il faut que tout le monde joue son rôle, conclut Audrey Murray. Tout au long du parcours, il y a des intervenants de première ligne qui peuvent faire la différence dans le quotidien d'une femme en regard des préjugés. Il faut que tous ces intervenants prennent des engagements. »


Cet article est paru dans l’édition du vendredi 27 mars 2015 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avt-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !