Béton drainant : une solution au problème de ruissellement des eaux pluviales

9 juillet 2021
Par Jean Garon

Comme d’autres matériaux de construction, le béton ne cesse d’évoluer dans ses formulations et ses usages. Le béton drainant en fait partie, celui-ci apportant une solution au problème de ruissellement des eaux pluviales.

Le produit n’est pas nouveau, puisqu’il retient l’attention des spécialistes en la matière depuis une dizaine d’années au pays. « Initialement développé dans le sud des États-Unis, rappelle Yves Dénommé, directeur technique de l’Association Béton Québec (ABQ), le produit a progressivement été adopté par les États du Nord avec un certain succès pour quelques applications. »

 

L’Europe s’y intéresse aussi, particulièrement la France, et pas seulement pour sa valeur esthétique ou architecturale. Le béton drainant n’aurait sans doute pas vu le jour sans l’apparition du problème de ruissellement des eaux pluviales découlant de l’urbanisation. La densification des surfaces imperméabilisées, engendrée par l’aménagement de toitures, de stationnements et de voies de circulation, ne laisse que les égouts municipaux comme solution pour évacuer le trop-plein des eaux pluviales lorsqu’il n’y a pas de bassin de captation. Un trop-plein qui est souvent dicté par la fréquence et l’intensité des précipitations extrêmes en ces temps de changements climatiques et qui surcharge les égouts municipaux. Ce qui explique pourquoi « les ingénieurs municipaux posent de plus en plus des restrictions au ruissellement, en imposant des règles strictes », confie le spécialiste de l’ABQ.

 

Yves Dénommé, directeur technique de l’Association Béton Québec (ABQ). Crédit : Courtoisie

 

Mais attention, le béton drainant n’est pas utilisé n’importe où et n’importe comment ! Son choix doit reposer sur des études sérieuses qui tiennent compte de plusieurs facteurs, dont l’exposition du produit aux cycles de gel-dégel, la perméance du sol et l’incidence des précipitations dans le temps en termes de volume et de fréquence. L’analyse de ces facteurs aide à déterminer les composantes de l’infrastructure drainante à construire.

 

Des applications variées

Diverses expériences réalisées sur le terrain ont démontré le bien-fondé de l’usage du béton drainant pour certaines applications. C’est le cas, entre autres, pour des trottoirs, des allées piétonnières, des pistes cyclables, des aires de jeux et des parcs, des fondations drainantes de routes, des stationnements et des rues à faible débit de circulation.

 

À titre d’exemple, on en a fait l’usage pour la construction de la place publique Alta Vista située au coeur du développement résidentiel Urbanova, à Terrebonne. L’ingénierie civile de ce projet, conçue par Gabriel Pilon de la firme Gravitaire, fait l’objet d’un suivi depuis 2017. « Le projet fonctionne très bien et suit son cours normalement, tout en servant de carte de visite pour promouvoir le produit », affirme Manon Martineau, directrice des produits spéciaux chez LafargeHolcim.

 

Manon Martineau, directrice des produits spéciaux chez LafargeHolcim. Crédit : Courtoisie

 

Une présentation du projet par Gravitaire au Centre d’expertise et de recherche en infrastructures urbaines (CERIU) en 2018 faisait état d’une seule fissuration à un endroit où il aurait dû y avoir un joint de dilatation. En gros, l’ouvrage se comportait très bien et remplissait son rôle en diminuant la quantité d’eau de ruissellement et en ralentissant son écoulement, en plus de réduire sa charge polluante en sels de déglaçage et d’assurer une saine gestion des eaux de ruissellement.

 

Une recette plus ou moins secrète

Le béton drainant n’est pas tellement différent du béton standard dans la composition de ses ingrédients de base : de l’eau, du ciment, des granulats et des adjuvants. Comme il s’agit d’un béton entrainé pour permettre la percolation de l’eau dans le sol, le fabricant y incorpore entre 15 et 30 pour cent de microbulles d’espace entre les granulats. La fiche technique 19 Technobéton de l’ABQ précise à ce propos que « selon la taille des granulats et la densité du mélange, le béton drainant permet d’évacuer en une minute de 85 à 730 litres d’eau par mètre carré avec une valeur moyenne de 200.

 

« Ça fait plusieurs années qu’on développe ce produit, souligne Manon Martineau, sans dévoiler la recette de LafargeHolcim. On a rendu le produit beaucoup plus robuste, plus flexible dans les conditions de mise en place. On a aussi développé un léger polissage en surface pour le rendre plus esthétique et ergonomique, tout en le rendant plus solide et compact. »

 

Il n’en demeure pas moins que la plupart des producteurs de béton au Québec pourrait en fournir, même si la majorité d’entre eux n’en ont jamais fait, précise Yves Dénommé. « Ça reste un produit encore peu répandu dont l’usage repose sur un devis d’ingénieur et pour lequel on peut fournir une aide dans la planification des opérations de bétonnage. »

 

Une mise en place minutieuse

Il est vrai que le produit pose un défi en ce qui concerne sa mise en place, reconnait Yves Dénommé : « Le succès d’un tel produit ne repose pas uniquement sur sa formulation, mais aussi sur une bonne équipe de mise en place qui respecte les règles de l’art ».

 

Compte tenu de la particularité de la composition de ce béton, sa mise en place ne peut se faire à l’aide d’une pompe. Il doit être coulé rapidement avec des bennes et il ne nécessite aucune armature. Ce procédé peut impliquer plusieurs coulées journalières sans problème, puisque le béton se lie facilement à une coulée précédente sans additifs ou liants. Il n’y a pas non plus de limitations en termes de surface à bétonner, hormis de prévoir des joints d’expansion et une retenue sur une surface solide en bordure.

 

Selon la fiche technique 19 de l’ABQ : « Le béton devrait être recouvert de feuilles de polyéthylène d’au moins 0,15 millimètre d’épaisseur, immédiatement après la passe finale de la lisseuse à rouleau, qui demeureront en contact direct pendant au moins 7 jours. La cure de surface doit être appliquée dans les 2 à 4 minutes suivant le lissage. Le béton ne doit en aucun cas être laissé sans protection pendant plus de 20 minutes après le compactage ».

 

Un entretien essentiel

Dernier point sur lequel il faut porter une attention particulière : l’entretien. La durée de vie du béton drainant n’a pas de limite connue pour l’instant. Toutefois, elle dépend en bonne partie de l’entretien de la surface qu’il faut effectuer, au moins une fois par année, rappelle Manon Martineau.

 

Selon la fiche technique de l’ABQ : « Le propriétaire doit faire l’entretien de la chaussée, ou de la surface bétonnée, au moins chaque année, afin de maintenir la perméabilité du béton drainant, et de préférence avant la période hivernale ». Cet entretien peut se faire à l’aide d’une laveuse à haute pression ou d’un aspirateur commercial. Quant aux perspectives de développement de marché pour le produit, les deux spécialistes s’entendent pour dire que le béton drainant fait partie des solutions recommandées pour de bonnes pratiques environnementales.

 

UN BÉTON PERMÉABLE

Le béton drainant, aussi appelé béton caverneux, est composé de vides interconnectés permettant à l’eau d’y circuler et d’être évacuée. La taille des granulats ainsi que la densité du mélange déterminent la quantité d’eau qui pourra être résorbée, évitant ainsi une augmentation des eaux de ruissellement et, de ce fait, la dégradation des milieux récepteurs.