Géothermie : le potentiel insoupçonné des aquifères

6 novembre 2020
Par Vincent Rioux

Pour la climatisation et le chauffage des bâtiments, la géothermie à boucle fermée constitue une technologie éprouvée au Québec. Qu'en est-il de la géothermie à boucle ouverte ?

Des recherches sont présentement en cours dans le secteur D’Estimauville, à Québec, afin d’évaluer la possibilité de mettre en place une méthode novatrice de géothermie, mais cette fois-ci à boucle ouverte.

 

C’est bien connu, la climatisation traditionnelle, en rejetant l’air chaud à l’extérieur, accentue le phénomène des ilots de chaleur en milieu urbain. Pour répondre à ce problème, Jasmin Raymond, chercheur à l’Institut national de recherche scientifique (INRS), et son équipe planchent sur un projet qui vise à démontrer le potentiel des ressources et technologies géothermiques pour climatiser les bâtiments.

 

« Avec les changements climatiques, les besoins en climatisation vont nécessairement augmenter », prévoit M. Raymond. Vis-à-vis ce constat, comment donc climatiser de façon intelligente ? « Les pompes à chaleur géothermique sont une des méthodes possibles. L’idée, c’est de prendre la chaleur du bâtiment et de la rejeter dans le sol, plutôt que de la rejeter dans l’atmosphère en surface. La chaleur va se trouver stockée dans le sol et pourra même être réutilisée en hiver pour des fins de chauffage », propose le titulaire de la Chaire de recherche sur le potentiel géothermique du Nord.

 

Les systèmes géothermiques à boucle fermée installés en sol québécois fonctionnent tous de la même façon : à la suite des travaux de forage, on installe un tuyau de polyéthylène. On y fait alors circuler un fluide caloporteur, c’est-à-dire un liquide chargé de transporter la chaleur. Ce fluide permet de faire l’échange de chaleur avec le sol. « Ce qui explique le succès de la boucle fermée, c’est qu’elle constitue une solution de chauffage dite clés en main, en plus de nécessiter moins de maintenance », explique Jasmin Raymond. Seul bémol, cette méthode est plutôt onéreuse à l’installation en raison des couts de forage.

 

Aller directement à la source

« Dans le cadre de nos recherches, nous souhaitons proposer une solution différente et offrant potentiellement un rendement au moins équivalent à la boucle fermée. On veut se servir directement de l’eau souterraine afin d’alimenter les systèmes géothermiques qu’on dit à boucle ouverte, particulièrement pour les besoins en climatisation, poursuit le chercheur. L’idée est d’aménager des puits de pompage afin d’y injecter de l’eau souterraine, laquelle permettra de conserver une température de huit à dix degrés Celsius tout au long de l’année. »

 

Jasmin Raymond, chercheur à l’Institut national de recherche scientifique (INRS). Photo : INRS

 

Le principal avantage du système à boucle ouverte est qu’il nécessite beaucoup moins de forage. Habituellement, pour une boucle fermée, un forage de 150 mètres de profondeur est requis. « La nappe souterraine visée dans le cadre de nos recherches est située à seulement 30 mètres de profondeur. Il s’agirait donc de forages relativement superficiels pour alimenter un bâtiment en climatisation et en chauffage », révèle le spécialiste en géothermie.

 

Bien sûr, la version à boucle ouverte présente aussi des défis. « C’est plus compliqué, il faut trouver, en milieu urbain, où sont les aquifères qui ont un bon potentiel », explique le chercheur de l’INRS. Ainsi, lorsque vient le temps de choisir la géothermie à boucle ouverte, le terrain convoité fait foi de tout; il doit nécessairement avoir un bon potentiel aquifère. Ce ne sont donc pas tous les milieux qui se prêtent à cette méthode. « À plus long terme, il y a aussi des risques de corrosion et de colmatage que le propriétaire d’un bâtiment doit bien gérer. C’est une solution qui s’applique bien aux plus gros bâtiments où il y a un minimum d’entretien qui est fait. »

 

Le secteur d’estimauville, un milieu idéal ?

Pour passer de la théorie à la pratique, M. Raymond et son équipe ont choisi le secteur d’Estimauville, situé à Québec, afin d’installer cinq forages qui permettront de pomper l’eau souterraine située dans les aquifères, de la chauffer puis de la réinjecter dans le sol. Ce premier test permettra d’étudier l’effet de l’eau chaude dans le développement du panache thermique ainsi que d’évaluer le comportement des microorganismes.

 

La Vieille Capitale s’avère d’ailleurs être un beau terrain de jeu selon le chercheur. « Tout le secteur de la Basse- Ville, au nord de la rivière Saint-Charles, les quartiers Limoilou, Saint-Roch et jusqu’à D’Estimauville vers l’est sont des endroits à fort potentiel aquifère, car s’y retrouvent d’importantes couches de dépôts meubles. »

 

De surcroit, le secteur est considéré comme vulnérable aux ilots de chaleur, en plus de regorger de projets de construction. « Dans les dernières années, il y a des édifices qui ont été construits pour Environnement Canada. Des bureaux de Revenu Canada sont aussi installés là. Ça va amener beaucoup de résidents et de construction pour des tours à condos. C’est tout un secteur de Québec qui est en restauration; d’ailleurs la Ville veut en faire un écoquartier avec des habitations près des lieux de travail et des espaces verts. »

 

À terme, le but du projet est de démontrer qu’il y a un intérêt à utiliser l’énergie géothermique grâce à l’eau souterraine du secteur. Bien que le projet en soit seulement à sa deuxième année, M. Raymond a confiance que ce nouveau procédé de climatisation et de chauffage puisse un jour faire partie des normes environnementales de construction des bâtiments, notamment de la certification LEED.