6 novembre 2020
Par Marie Gagnon

Plateforme logicielle indispensable à l’avènement du bâtiment intelligent, le système d’exploitation du bâtiment, ou BOS pour Building Operating System, optimise l’usage d’applications numériques dans l’immobilier.

Depuis une quinzaine d’années, les systèmes de gestion du bâtiment et les applications servicielles font discrètement leur nid au sein du bâtiment. Piliers du bâtiment intelligent, ils fournissent aux gestionnaires d’immeubles une interface technique pour monitorer et contrôler les différents systèmes mécaniques et électriques d’un édifice et, de plus en plus, certains services aux usagers.

 

Mais ces Smart Buildings, aussi intelligents soient-ils, peinent toujours à faire dialoguer entre elles les multiples applications numériques qu’ils intègrent. Et, du coup, à tirer le meilleur des données que génèrent ces applications, tant au regard de l’offre de services aux occupants que de l’exploitation optimale du bâtiment et de sa pérennisation.

 

Un outil indispensable

Dans un marché immobilier concurrentiel, mais aussi en pleine mutation, l’évolution des systèmes d’automatisation et de gestion du bâtiment vers un système d’information entièrement numérique devient la condition sine qua non pour rester au faîte de l’offre immobilière. Ainsi qu’une excellente stratégie pour consolider sa position en offrant davantage de services innovants aux occupants.

 

Et c’est ici qu’intervient le BOS. Un BOS, ou système d’exploitation du bâtiment, est une plateforme logicielle ouverte qui va créer un pont entre les équipements du bâtiment et des applications externes, et mettre en communication des systèmes jusque-là conçus en silo. Il va fédérer l’information, la structurer et la mutualiser au sein d’une base de données.

 

Et il s’impose dans l’immobilier commercial à mesure que la gestion des données du bâtiment devient plus complexe, relève Aymeric Tissandier, directeur Ingénierie et travaux, Building Solutions pour VINCI Energies. Et il parle en connaissance de cause : le futur siège de VINCI à Nanterre, en banlieue de Paris, sera entièrement conçu dans une logique numérique.

 

Aymeric Tissandier, directeur Ingénierie et travaux, Building Solutions pour VINCI Energies. Photo : VINCI Energies

 

S’étendant sur une superficie de 74 000 mètres carrés (m2), dont 73 000 m2 de bureaux, l’édifice rassemblera l’été prochain tous les pôles de métiers du groupe français. Nommé Archipel, car il se présente comme une série d’îles interconnectées et reliées entre elles par des passerelles, il a également pour mission d’observer, en temps réel, l’intégration du numérique entre ses murs.

 

« C’est une notion plutôt récente dans le secteur du bâtiment, commente-t-il. Elle découle d’un constat : d’un côté, on a des édifices qui génèrent de plus en plus de données; de l’autre, on constate un appétit de plus en plus grand pour des services comme la gestion du confort, la réservation de salles et le signalement de défectuosités.

 

La gestion des données devient plus compliquée. » Il ajoute qu’en structurant les données selon une arborescence à plusieurs niveaux – bâtiment, étage, pièce – et en les archivant en temps réel, le BOS devient l’outil tout désigné pour gérer l’ensemble des fonctions du bâtiment. « Son principal intérêt tient au fait qu’il permet de décloisonner des systèmes jusqu’ici compartimentés et de produire des services à partir de différentes sources de données », résume-t-il.

 

Une information précise

Un autre intérêt du BOS, c’est qu’il s’appuie sur le Building Information Modeling (BIM). En allouant à chaque donnée un attribut graphique et en positionnant celui-ci à l’intérieur d’un ensemble tridimensionnel – la maquette numérique –, il facilite l’identification du système ou de l’équipement qui la transmet. Il suffit alors de cliquer sur l’image pour accéder à l’information.

 

Par exemple, un luminaire X, dans un bureau Y à l’étage Z sera aussitôt identifié et pourra faire l’objet d’une intervention à distance en temps réel. « Le BOS lèvera le doute sur l’équipement qui a produit le point et permettra une intervention plus rapide, note Aymeric Tissandier. Pour la réservation d’une salle de réunion, il peut agréger une somme de services accessibles via la maquette, comme le parking, le badge, la collation et l’équipement audiovisuel. Il peut même offrir des applications de géolocalisation. »

 

Un langage commun

Si les applications offertes par un système d’exploitation du bâtiment semblent infinies, l’absence de standard de communication au sein de l’industrie du bâtiment constitue pour l’heure le principal frein à l’avènement du véritable Smart Building. Si les développeurs parlaient un seul et même langage, la création d’interfaces pour gérer les systèmes et fonctions du bâtiment, comme la vidéosurveillance, la sécurité incendie et le contrôle des accès, serait facilitée d’autant.

 

Autre frein à l’essor du BOS, son cout. De recourir à la maquette numérique pour exploiter les données d’un bâtiment représente en soi un investissement important, surtout si l’on part du néant. « D’où l’urgence de développer un standard, insiste Aymeric Tissandier. Sinon, cela nécessite un effort important pour construire une maquette avec suffisamment de détails pour en exploiter tout le potentiel.

 

« Et aussi pour mettre fin à la cacophonie qui règne dans le Smart Building, poursuit-il. Cela n’a pas de sens, par exemple, que la centrale de traitement de l’air prenne différents noms d’un service à l’autre. Lorsqu’un incident survient, on a du mal à rapprocher ces différents noms. Ces systèmes ont aussi leurs limites. À la longue, ils perdent en efficacité et sont difficiles à mettre à jour. »

 

Au futur siège de VINCI, une nomenclature uniformisée a été imposée dans le système d’exploitation. Les gestionnaires pourront ainsi rapprocher naturellement les points et identifier plus rapidement l’appareil, l’équipement ou le système qui a émis l’information. Conjugué au BIM, le BOS facilitera en outre la prise en compte de toute modification apportée à l’aménagement. Dès qu’un changement d’usage sera effectué, le système ajustera automatiquement différents services, comme l’éclairage et la température.

 

Il reste que, pour que l’implantation d’un BOS soit un succès, il faut à tout le moins être un maitre d’ouvrage reconnu pour ses convictions. « In fino, c’est un peu plus couteux, concède Aymeric Tissandier. Mais le jeu en vaut la chandelle. Le futur siège de VINCI en témoignera, il a été très bien pensé en amont. Il faut vraiment penser en termes d’exploitation et avoir une vision à long terme. »