Une première galerie multiréseaux en sol québécois?

6 juillet 2020
Par Marie Gagnon

Une étude se penche sur le déploiement des galeries multiréseaux à Montréal. Malgré quelques tentatives infructueuses par le passé, notamment dans Griffintown, on souhaite développer une approche permettant de cibler une zone d’implantation afin que cette fois puisse être la bonne.

Avec la multiplication des réseaux techniques qui encombrent le sous-sol public, les travaux d’infrastructure urbaine sont aujourd’hui synonymes de casse-tête insoluble pour les décideurs et de source de nuisances sans fin pour les citadins. Une donne toutefois appelée à changer, du moins à Montréal, avec la venue d’une première galerie multiréseaux (GMR), cet ouvrage souterrain réunissant, dans un même volume visitable, divers services publics et privés afin d’en faciliter la gestion et l’entretien.

 

Confrontée au vieillissement de son réseau souterrain et à la multiplication des interventions correctives visant son maintien et sa mise à niveau, la Ville de Montréal a en effet commandé, au Centre d’expertise et de rechercheen infrastructures urbaines (CERIU), une étude afin d’évaluer la possibilité d’implanter ce type d’ouvrage sur son territoire. Réalisée en collaboration avec l’Université Concordia, cette étude s’inscrit dans la foulée des nombreuses recherches menées depuis 1991, par le CERIU, sur la viabilité de telles galeries au Québec.

 

Un modèle crédible

« La Ville de Montréal veut obtenir un modèle d’analyse crédible afin de l’aider à déterminer l’emplacement idéal pour aménager une première galerie multiréseaux, explique Salamatou Modieli, coordonnatrice de projets au CERIU. Est-ce la rue Notre-Dame ? Le boulevard René-Lévesque ? Dans un cas comme dans l’autre, une GMR procurerait des bénéfices énormes. Bref, ce que veut la Ville, c’est un outil d’aide à la décision. »

 

Salamatou Modieli, Coordonnatrice de projets au CERIU. Photo : CERIU

 

Le concept n’a pourtant rien d’inédit, les premières galeries étant apparues dès l’Antiquité. Il suffit d’évoquer la Cloaca Maxima, qui signifie littéralement grand égout, un long canal collecteur de la Rome antique combinant la récupération des eaux de pluie et l’évacuation des eaux usées. Plus près de nous, les égouts parisiens, construits au 19e siècle sous Haussman, sont utilisés dès leur construction comme galeries multiréseaux.

 

Directeur adjoint du Centre for Innovationin Construction and InfrastructuresEngineering and Management (CICIEM), l’institut auquel le CERIU a confié la direction de la présente étude, Amin Hammad rappelle qu’il faut attendre les années 1970 avant d’assister au retour en force des GMR, notamment en Europe et au Japon. « À Prague, il s’en est construit beaucoup à cette époque, mais maintenant, c’est la Chine qui est en avance et multiplie les projets, signale-t-il.

 

Une approche méthodique

Celui qui est également professeur au Concordia Institute for Information SystemEngineering (CIISE) précise qu’avec cette étude, la Ville va pouvoir déterminer de façon méthodique l’endroit idéal pour une première GMR, celui qui va lui rapporter le plus de bénéfices. « Parce que de creuser une année pour réparer des conduites, pour ensuite creuser l’année suivante pour installer des câbles, ça finit par faire beaucoup d’interférences sur le réseau routier. »

 

Amin Hammad, Directeur adjoint du CICIEM. Photo : David Ward

 

Ces galeries souterraines ont déjà fait leurs preuves ailleurs dans le monde. On leur reconnait notamment la capacité de réduire les excavations sur rue et, de là, les dangers pour les travailleurs et la population, de même que la congestion routière associée aux travaux de voirie. Aussi, en faisant cheminer tous les services dans un seul et même habitacle, les GMR favorisent une meilleure organisation de l’espace souterrain. Un plus, à l’heure où les réseaux techniques urbains se multiplient et transforment le sous-sol en un fouillis inextricable.

 

Autre avantage à considérer : les galeries multiréseaux sont visitables. Ce qui signifie que les exploitants peuvent inspecter ou intervenir sur leur réseau sans se soucier de la saison ou du moment de l’intervention, puisque les GMR sont accessibles en tout temps sans creusement. Et, de ce fait, sans perturber les activités qui se déroulent en surface. De plus, en facilitant l’inspection des réseaux et en les protégeant contre la corrosion grâce à leur enveloppe bétonnée, les GMR en prolongent la durée de vie utile.

 

Des risques calculés

Mais il n’y a pas de rose sans épines et ces galeries souterraines comportent aussi des inconvénients. Mis à part leur cout initial prohibitif, les GMR soulèvent en effet des questions d’ordre sécuritaire. En regroupant un ensemble de réseaux techniques, elles constituent en effet un lieu de prédilection pour des gens malintentionnés. Elles posent en outre des problèmes de cohabitation, notamment entre le gaz et l’électricité. Sans parler de la coordination et du partage des couts entre les partenaires publics et privés.

 

« Les questions de sûreté et de sécurité compliquent la conception des GMR, concède Amin Hammad. Les critères d’organisation sont particulièrement importants : par exemple, on risque l’explosion en combinant le gaz et l’électricité. C’est ici que l’intelligence artificielle entre en jeu. En introduisant des capteurs et des caméras dans l’habitacle, on n’annule pas ces risques, mais ils deviennent gérables. En cas d’intrusion, de panne de ventilation, on est averti et on peut intervenir. »

 

Un outil fiable

L’étude a également permis d’établir une liste de critères en douze points, dont le type de rue, la densité du réseau souterrain, les projets majeurs de réaménagement et la densité de circulation et de population. Soit autant de critères qui serviront à déterminer l’endroit le plus propice à l’implantation d’une GMR. Ils ont ensuite pondéré ces critères en fonction de leur importance.

 

« On avait prévu un premier projet pilote sur la rue Ottawa, dans Griffintown, pour lequel les critères de faisabilité et de conception avaient été établis, rappelle Salamatou Modieli. On avait retenu l’option d’une galerie en longueur avec les réseaux câblés d’un côté et les fluides de l’autre, poursuit-elle. On en était rendu au partage des couts entre les partenaires, quand on a dû abandonner. Le quartier est en plein développement et on ne nous laissait pas assez de temps. »

 

Avec cette nouvelle étude, il a été possible de comparer plusieurs rues, notamment dans le Centre-Sud, en insérant les critères dans une carte interactive à plusieurs couches. Bien que la rue Sainte-Catherine offre à ce jour le plus de potentiel, cette localisation ne pourra être retenue, car elle s’avère trop complexe pour un projet pilote. D’autres avenues sont présentement explorées, dont une semble se démarquer des autres, assure Salamatou Modieli, qui ne peut toutefois confirmer un secteur en particulier.

 

OBJECTIF : DÉCEMBRE 2020
L’étude sera réalisée en cinq étapes selon le calendrier suivant :
  • Phase 1 - Analyse macro-économique : portrait de la situation mondiale et analyse financière préliminaire - finalisée
  • Phase 2 - Étude d’opportunité : réalisation d’une grille multicritères et définition des éléments avec enjeux - finalisée
  • Phase 3 - Évaluation des risques et validation des outils : validation de la grille multicritères et évaluation des éléments avec enjeux - finalisée
  • Phase 4 – Réalisation d’une analyse spatiale - juin 2020
  • Phase 5 - Modélisation spatio-temporelle - octobre 2020
  • Rapport final de l’étude - décembre 2020