Projet de loi 61 : quand la construction va, tout va!

6 juillet 2020
Par Marie Gagnon

Des projets sur la voie express pour relancer l’économie ? C’est ce que prévoit le projet de loi 61. Tour d’horizon. 

On le sait, la construction est un levier privilégié pour relancer l’économie en période de crise. L’exemple le plus probant en est certainement le New Deal, adopté en 1933 par le président Roosevelt pour contrer les effets de la Grande Dépression aux États-Unis. L’Histoire se répète aujourd’hui avec le projet de loi 61, Loi visant la relance de l’économie du Québec et l’atténuation des conséquences de l’état d’urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de CoViD-19.

 

Ce projet de loi, qui a été amplement remanié depuis son dépôt le 3 juin et dont l’adoption a finalement été reportée à l’automne, faute de consensus, vise l’accélération de 202 projets inscrits au Plan québécois des infrastructures 2020-2030. Des projets retenus pour leur potentiel à faire redécoller l’économie dans la majorité des régions du Québec et qui, pour la plupart du moins, concernent les domaines de la santé (90), de l’éducation (39), des routes (34) et du transport collectif (16).

 

Ce qui représente au final près de trois milliards de dollars d’investissements supplémentaires pour 2020- 2021. Pour le seul secteur du génie civil et voirie, on prévoit ainsi 370 millions de plus pour le réseau routier et 600 millions supplémentaires pour le transport collectif, dont le prolongement de la ligne bleue, l’expansion du réseau électrique métropolitain (REM) vers Laval et la Rive-Sud et la mise en oeuvre d’un tramway (lien électrique est-ouest) en Montérégie.

 

Du sable dans l’engrenage

Si le principe a fait l’unanimité au sein de l’appareil étatique, c’est dans son application que l’engrenage a grippé. Plusieurs voix se sont en effet élevées pour dénoncer l’impact des mesures d’accélération sur des sujets sensibles comme l’environnement, l’aménagement et l’urbanisme, l’occupation du domaine de l’État, de même que les expropriations et les acquisitions de gré à gré.

 

Des effets délétères que nuance l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ), qui considère le projet de loi 61 d’un oeil plutôt positif. « Quand on parle d’accélérer les études d’impact sur l’environnement, il n’est pas question ici de courtcircuiter les mécanismes en place, mentionne Pierre Tremblay, directeur du secteur Science, technologie et innovation de l’ACRGTQ.

 

« Ça veut seulement dire adopter des mesures pour accélérer les processus d’autorisation et mettre fin à la surévaluation des dossiers, explique-t-il. Par exemple, au lieu de demander une troisième étude hydrogéologique, on va se contenter d’en exiger une seule et ça va suffire, on va pouvoir aller de l’avant. Autrement dit, on va continuer à faire les choses correctement, mais sans dédoubler les étapes. »

 

De nouvelles façons de faire

Dans sa mouture initiale, le projet de loi 61 autorisait également le gouvernement à déterminer les conditions applicables à l’octroi des contrats publics. Encore là, l’ACRGTQ n’y voit pas de quoi fouetter un chat. Selon Pierre Tremblay, il s’agit tout simplement de s’affranchir de la règle du plus bas soumissionnaire conforme, un mode d’attribution qui a contribué au nivellement vers le bas des projets publics, tant en matière de conception que de construction, et d’expérimenter de nouvelles façons de faire.

 

« Ce mode d’attribution ne sera pas abandonné pour autant, signale Pierre Tremblay. Mais il devrait être réservé aux contrats bien clairs, qui ne laissent aucune place à l’interprétation. Pour les projets plus complexes, on préconise plutôt des modes collaboratifs, comme le ECI – Early Contractor Involvement – qui fait intervenir l’entrepreneur dès les premières phases de la conception. Ça permet d’optimiser le concept, d’améliorer la productivité et, au bout du compte, de réduire les couts en éliminant dès le départ certaines incongruités. »

 

Des sous et des hommes

Quant à la disponibilité de la main-d’oeuvre pour réaliser ces projets supplémentaires, Pierre Tremblay dit ne pas s’inquiéter outre mesure. Selon son analyse, sur les 51 projets de génie civil ajoutés au calendrier 2020-2021, près de 80 pour cent se trouvent déjà dans le collimateur, c’est-à-dire en phase de conception. Et ils se résument pour la plupart à élargir des chaussées et à corriger des courbes. « Par région administrative, on parle de quatre ou cinq projets de plus par région, ça ne devrait pas poser de problème », fait-il valoir.

 

Enfin, dans le mémoire qu’elle a déposé dans le cadre des consultations entourant le projet de loi 61, l’ACRGTQ a par ailleurs souligné l’importance d’adopter rapidement des mesures afin que les entrepreneurs aient accès aux liquidités nécessaires pour traverser la crise. Outre l’adoption d’une loi sur les retards de paiement, l’association patronale milite également en faveur du remboursement des frais engendrés par les mesures de protection associées à la CoViD-19.

 

Car, si le ministère des Transports a d’emblée fait preuve de leadership en proposant des mesures compensatoires, d’autres donneurs d’ouvrage comme les municipalités, pour ne pas les nommer, ont imposé des clauses contractuelles renvoyant la balle dans le camp des entrepreneurs. Une situation qui a été vertement dénoncée et qui a heureusement évolué au fil des semaines vers une approche au cas par cas.

 

« Ça dépend beaucoup des chantiers, nuance Pierre Tremblay. Sur un chantier de pavage, on a rarement de roulotte et la distanciation est là par défaut. Sur d’autres projets, oui, il y a du temps perdu à cause des mesures d’hygiène et de contrôle. Dans ces cas-là, on essaie d’établir la règle du pouce par la négociation. »

 

 

DANS LA MIRE

Quelques projets structurants visés par les mesures d’accélération prévues au projet de loi 61.

 

Capitale-Nationale
Reconstruction du pont de l’île d’Orléans

 

Chaudière-Appalaches
Prolongement de l’A73
Prolongement du chemin de fer Québec Central

 

Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine
Reconstruction du réseau ferroviaire

 

Lanaudière
Prolongement de l’A25 et amélioration de la route 125
Contournement de Saint-Lin et réaménagement de la route 335

 

Laval
Prolongement du REM vers Laval
Prolongement de l’A19 vers Bois-des-Filion

 

Montérégie
Construction de l’échangeur Saint-Alexandre sur l’A35
Lien électrique est-ouest (tramway) entre les axes du boulevard Taschereau et du prolongement de la ligne jaune du métro

 

Montréal
Lien électrique (tramway) pour relier l’est, le nord-est et le sud-ouest au centre-ville
Prolongement de la ligne bleue vers Anjou