Mine d’or Meliadine : conjuguer énergie et écologie

6 juillet 2020
Par Marie Gagnon

En misant sur la cogénération, la mine Meliadine fait la preuve que viabilité économique et efficacité énergétique peuvent cohabiter… même sous les climats les plus rudes.

Propriété d’Agnico Eagle, la mine d’or Meliadine est située dans la région de Kivalliq, à environ 25 kilomètres (km) au nord de Rankin Inlet et à plus de 1 500 km de Montréal. Dans cet univers de roches et de glaces qu’aucune route ne dessert et où toutes les livraisons se font par air ou par mer, l’alimentation en énergie électrique et thermique constitue un enjeu crucial. À cet égard, la cogénération représente souvent la seule solution qui soit à la fois économiquement viable et environnementalement acceptable.

 

Il faut dire qu’Agnico Eagle, qui n’en est pas à ses premières armes dans le Grand Nord canadien, connait bien les difficultés que pose l’exploitation minière sous de telles latitudes. C’est du moins ce que rapporte Nicholas Allen, ingénieur en mécanique et chargé de projet pour BBA, la firme de génie-conseil qui a réalisé les études de faisabilité, l’ingénierie de détail de la centrale et des réseaux thermiques et électriques du site, en plus d’assurer le soutien à la construction et la mise en service des installations.

 

Nicholas Allen, ingénieur en mécanique et chargé de projet chez BBA. Photo : BBA

 

« Le client exploite déjà une mine en réseau autonome à Meadowbank, dit-il. Il était donc bien au fait des défis qui y sont associés. Il cherchait aussi une solution fiable et efficace, tout en restant abordable, parce que la durée de vie de la mine n’est que de 14 ans. Comme nos modèles prévoyaient une demande similaire en électricité et en chauffage, soit environ 20 mégawatts (MW) d’énergie électrique pour alimenter le site et 25 MW d’énergie thermique pour chauffer les installations, la construction d’une centrale de cogénération allait de soi. »

 

Les options

Mais avant d’en arriver à cette conclusion, Agnico Eagle et BBA ont d’abord évalué diverses options, dont une centrale thermique au diésel pour fournir non seulement l’électricité nécessaire à l’exploitation minière et aux activités courantes, mais également l’énergie pour chauffer les installations. Selon les modèles établis, une centrale typique sans cogénération aurait consommé au bas mot 50 millions de litres de diésel.

 

Ils ont également analysé quelques types de carburant, dont le gaz naturel liquéfié et le diésel. Le premier, bien que plus sobre en carbone, posait des problèmes de distribution et d’entreposage, tandis que le second soulevait des questions de rentabilité et d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Dans le Grand Nord, on utilise généralement du diésel arctique, car il ne fige pas sous des températures extrêmes. Sauf qu’il coute plus cher et fournit moins d’énergie que le diésel régulier.

 

La centrale de cogénération au diésel est équipée de cinq génératrices de 5,6 MW chacune. Photo : BBA

 

« À Meliadine, environ 15 pour cent ( %) des couts d’opération sont associés à ce carburant, signale le spécialiste en réseaux autonomes. Pour diminuer ces couts, on a donc conçu la centrale pour qu’elle accepte aussi le diésel régulier en été. Et on a prévu un plus petit réservoir pour son entreposage. »

 

La solution

La solution retenue consiste en une centrale de cogénération au diésel de 28 MW équipée de cinq génératrices de 5,6 MW chacune et dotée des réseaux thermiques et électriques nécessaires à la distribution de l’énergie. En récupérant la chaleur émise par le moteur et celle contenue dans les gaz de combustion, la centrale produit ainsi jusqu’à 24 MW d’énergie thermique pour chauffer tous les bâtiments et les installations souterraines. Soit un rendement total de 80  % en hiver.

 

Le concept inclut en outre deux chaudières au diésel, au cas où les génératrices ne suffiraient pas au chauffage des bâtiments, de même que des brûleurs au diésel, en appoint pour la ventilation de la mine. Sous des conditions normales et jusqu’à moins 25 degrés Celsius (°C), la centrale fournit ainsi toute la chaleur nécessaire au site entier. En deçà de moins 25 °C, les brûleurs prennent le relais pour compenser les besoins thermiques de la mine souterraine.

 

Le rendement

Cette configuration permet non seulement d’optimiser la production d’énergie au site minier, mais également de réduire les couts d’exploitation. L’optimisation de la récupération de chaleur, jumelée à des génératrices offrant un rendement d’environ 5  % supérieur aux équipements conventionnels, réduit la consommation de diésel de 4,5 millions de litres par année, soit quelque 4,5 millions de dollars d’économies en 2019.

 

Et c’est sans compter les retombées écologiques positives. Grâce à l’ensemble des mesures d’efficacité énergétique mises en place, les installations de Meliadine laissent une empreinte environnementale réduite, comparativement à une centrale électrique au diésel. Selon les données de BBA, le volume de GES se trouverait réduit de 12 000 tonnes par année.

 

« Plus de 75  % des GES du site proviennent de la centrale, précise Nicholas Allen. On pourra améliorer encore ce bilan environnemental en convertissant la centrale au gaz naturel liquéfié, si jamais il devient accessible dans la région. Il suffira alors de remplacer certaines composantes des génératrices. »

 

Une conversion qui ne nécessite d’ailleurs aucun usinage – les pistons des génératrices ayant un diamètre plus élevé que ceux requis par une génératrice au diésel – et qui s’effectue aisément en deux semaines. Avec, à la clé, des émissions de GES réduites de 25  % par rapport aux émissions actuelles, soit 24 000 tonnes d’équivalent CO2 de moins rejetées dans l’atmosphère. Autre mesure écologique digne de mention : le réseau de chaleur mise sur l’eau plutôt que le glycol pour réduire le risque environnemental en cas de déversement.

 

Les défis

BBA, qui accompagnait également Agnico Eagle dans la construction de la centrale, a dû composer en outre avec l’éloignement du chantier et la rigueur du climat. À lui seul, l’accès au site constitue un défi de taille : les livraisons se font en effet par bateau, uniquement en eau libre et à l’intérieur d’une fenêtre de quatre mois. Pour compliquer la donne, la profondeur des eaux ne permet pas l’accostage des navires. Tout le matériel est donc transféré par barge et déposé sur la plage.

 

De plus, comme la capacité des appareils de levage sur la plage est limitée et que les génératrices pèsent 100 tonnes, celles-ci sont déposées sur une remorque embarquée sur une barge, puis transportées jusqu’à la centrale. « Pour gagner du temps, on a monté à l’avance le bâtiment principal mais laissé une ouverture pour passer les génératrices, mentionne l’ingénieur. On a aussi privilégié la préfabrication, ce qui permet en plus de réduire les heures au chantier et, par le fait même, les risques pour les travailleurs. »

 

Pour Agnico Eagle, la santé et la sécurité du travail a en effet autant d’importance que la protection de l’environnement. Parmi les mesures les plus notables, Nicholas Allen pointe le traitement acoustique de la centrale, où les niveaux de bruit avoisinent les 115 décibels (dBA). Des parois acoustiques ont été fixées au plafond, abaissant ainsi le bruit ambiant de 5 dBA. D’autres sont prévues entre les génératrices. Lorsqu’elles seront en place, le niveau de bruit diminuera sous la barre des 94 dBA. Les employés, qui travaillent présentement avec une double protection auditive – coques et bouchons –, pourront dès lors n’utiliser que des bouchons d’oreille.

 

CHRONOLOGIE D’UN PROJET EN OR
  • 2016 : préparation du site, réception des pieux de fondation
  • 2017 : pieutage (printemps), réception et érection du bâtiment principal (été), installation de la tuyauterie et des équipements auxiliaires (hiver)
  • 2018 : réception et installation des génératrices (juillet)
  • 2018 : mise en service de la centrale (novembre)