11 juillet 2016
Par Marie Gagnon

D’importants travaux auront cours cette année encore afin d’assurer la longévité du pont Champlain d’ici sa mise hors service en 2019. Tour d’horizon des principales interventions prévues au programme.

Cent vingt-six millions de dollars. C’est le montant budgété par Les Ponts Jacques Cartier et Champlain inc. (PJCCI) afin de maintenir, au cours de la présente saison de travaux, la sécurité et l’intégrité structurale du pont Champlain en attendant son remplacement vers la fin de 2018. À elle seule, cette somme représente plus de 40 % des 300 millions alloués par la société fédérale au prolongement de la vie utile de ses infrastructures de transport dans la grande région métropolitaine en 2016.

 

Une année ambitieuse donc, qui s’inscrit dans la continuité d’un vaste programme de réhabilitation amorcé en 2009 et initialement assorti de crédits de 212 millions sur 10 ans. Et qui témoigne du piteux état dans lequel se trouve la superstructure après plus de 50 ans de service. Un état de vétusté qui complique par ailleurs la tâche des concepteurs affectés à la préparation des plans et devis nécessaires à la réalisation des interventions inscrites à l’agenda.

 

« Ils sont rares les ingénieurs qui sont habilités à travailler sur des structures aussi dégradées, signale d’entrée de jeu le directeur de projet de PJCCI, Pascal Levis. C’est pourquoi la préparation des plans et devis a demandé beaucoup de précaution. Elle a été confiée à deux firmes professionnelles, Stantec et Powi, à qui on a imposé la révision mutuelle de leurs plans et devis. On a exigé la même chose pour les décisions prises à l’interne, elles devaient toutes être approuvées par des experts de l’Université McGill. »

 

Des interventions multiples

Il suffit de considérer la variété des interventions planifiées pour prendre la mesure de l’ampleur de la tâche des concepteurs, mais aussi celle des travailleurs qui les réaliseront. PJCCI a en effet planifié l’installation de 48 nouveaux treillis modulaires, la réfection de 11 joints de dilatation, la réhabilitation de six piles en béton projeté, le consolidement de 12 poutres intérieures à la fibre de carbone et la réparation de quatre dalles en béton armé coulé entre les semelles supérieures des poutres avec élément post-tensionné transversalement.

 

Il reste que la mise en place des treillis représente sans contredit le plus haut niveau de défi dans ce vaste chantier qui concerne les sections 5 et 7 de la vieille structure. D’abord, parce qu’elle sera effectuée au moyen de grues montées sur des barges, à l’exception de quatre treillis installés depuis le pont en raison de la faible profondeur de l’eau par endroits. Ensuite, parce qu’il faut mettre sous tension les treillis en insérant, à l’aide de vérins, des cales entre la structure du pont et l’armature modulaire.

 

Le défi de maintenir le pont Champlain - Photo de PJCCI

 

« On a fait deux blitz en mai pour installer les quatre treillis qui nécessitaient la fermeture du pont, les 44 autres seront posés sans entrave à la circulation au cours de la saison, précise Pascal Levis. La logistique est aussi cruciale dans ce chantier. Et comme les treillis sont préfabriqués en usine en trois sections et assemblés au chantier, on a multiplié les fournisseurs pour diminuer les risques liés à l’approvisionnement et s’assurer d’avoir les treillis nécessaires au bon moment. »

 

Surveillance constante

C’est d’ailleurs dans le même esprit de précaution que la société d’État s’est dotée en 2014 d’un système de monitoring pour prendre le pouls de la structure vieillissante. « Ce système comprend trois méthodes de surveillance, indique la conseillère en communication de la société, Joëlle-Anne Blanchette. Il y a d’abord le programme d’inspection, qui permet d’évaluer l’évolution des fissures et des autres dégradations. Il est réalisé une fois par an, sauf pour les poutres, dont la fréquence d’inspection est de six mois.

 

« Il y a aussi le test de charge mensuel, réalisé avec un camion de 48 tonnes, poursuit-elle. Comme c’est un camion connu et qu’il roule à une vitesse constante de 10 kilomètres/ heure, ce test nous fournit des repères dans le temps et permet de suivre l’évolution de la déformation des éléments plus sensibles. Enfin, la circulation quotidienne est aussi analysée en continu. On compte plus de 300 capteurs qui enregistrent des données en temps réel. C’est un outil essentiel à la gestion efficace des interventions et à une prise de décision éclairée. »

 

Ailleurs sur le réseau

Pendant que le pont Champlain fera l’objet de travaux palliatifs, des investissements de 85 millions seront nécessaires au pont Jacques-Cartier afin de réaliser des travaux de renforcement d’acier et de remplacement d’appareils d’appui, planifiés d’une culée à l’autre de la structure. Ils ont débuté en avril et s’échelonneront sur 12 mois. PJCCI supervisera par ailleurs la mise en lumière du pont en vue des fêtes du 375e de Montréal. Les travaux débuteront à l’été pour prendre fin à l’hiver 2017.

 

Le défi de maintenir le pont Champlain - Photo de PJCCI

L’année 2016 marquera par ailleurs la fin du vaste programme de remplacement du tablier du pont Honoré-Mercier, alors que PJCCI consacrera 46 millions de dollars à l’installation de 78 dalles de béton préfabriquées et préconnectées en usine pesant chacune de 25 à 55 tonnes. Certaines auront un contour irrégulier afin de bien s’assujettir aux trois rampes d’accès. La réfection du tunnel de Melocheville, un projet de 15 millions lancé l’automne dernier et visant la réhabilitation des parois, sera vraisemblablement complété, lui aussi, cette année.

 

SOUS HAUTE SURVEILLANCE

 

En 2014, dans la foulée du renouvellement de son programme de réfection et d’entretien, la société Les Ponts Jacques Cartier et Champlain inc. (PJCCI) a instauré un système de contrôle sophistiqué pour monitorer les déformations du pont Champlain. En appui aux programmes d’inspection annuelle et ponctuelle, ce système électronique de surveillance fait appel à deux méthodes différentes d’acquisition de données - test de charge mensuel et surveillance en direct - pour fournir en continu des informations sur l’état et le comportement du pont.

 

Pour ce faire, plus de 300 capteurs de données ont été installés sur 100 poutres de rive en béton et certaines poutres intérieures comprises dans les sections 5 et 7 de la structure vieillissante. Les capteurs, des cordes optiques, ont été fixés aux poutres à des endroits stratégiques. Chaque poutre en compte trois, soit une corde de 5 mètres en flexion au centre de la poutre et deux de 2 mètres en cisaillement à l’extrémité des poutres. Les données enregistrées par les capteurs, que ce soit lors du test de charge mensuel ou durant l’analyse quotidienne de la circulation, sont transmises en temps réel au système d’acquisition de données IntelliBridge, qui les compile en vue de leur analyse.

 

« Lorsqu’un seuil critique est franchi, la Société en est automatiquement avisée, signale la conseillère en communication de PJCCI, Joëlle- Anne Blanchette. Après vérification de la nature de l’alerte, des actions correctives peuvent être enclenchées si nécessaire. Autrement, le système nous permet de combiner les données du test de charge avec toutes celles enregistrées quotidiennement et, ainsi, d’observer le comportement de la structure sur une période prolongée afin d’en permettre une gestion proactive. »

 

 


Cet article est tiré du Supplément thématique – Infrastructures et grands travaux 2016. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !