11 juillet 2016
Par Léa Méthé Myrand

Grâce au montage d’une charpente métallique en poutres-caissons juste à temps pour faire face à un embâcle printanier, le remplacement d’un pont au-dessus de la rivière des Outaouais a pu être réalisé en seulement 18 mois. Et avec succès.

Les ingénieurs de Delcan Corporation, chargés de la conception technique du nouveau pont des Allumettes, souhaitaient limiter les travaux effectués dans la partie inondée de la rivière et les impacts environnementaux occasionnés par ceux-ci. Ils ont donc opté pour une charpente métallique composée de poutrescaissons permettant de longues portées. Le design retenu comporte seulement deux piles et une portée principale de 110 mètres, assortie de travées de rives de 85 mètres de part et d’autre.

 

L’utilisation de poutres-caissons a aussi été motivée par l’intention de concevoir un ouvrage nécessitant peu d’entretien. « La semelle inférieure rejoint les deux sections verticales, la poutre est donc fermée, explique Robin Lapointe, vice-président ventes et développement des affaires chez Canam. C’est une conception de plus en plus utilisée au Québec. »

 

L’avantage du caisson, c’est qu’il forme un volume fermé accessible seulement par des portes verrouillées pour l’inspection. Il présente ainsi moins de surface aux intempéries et n’offre pas de perchoir aux oiseaux… ni aux vandales.

 

Suivant un appel d’offres publié par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada en avril 2014, le mandat de réalisation a été confié à Pomerleau pour la somme de 26,9 millions de dollars. Il incluait la construction du nouveau pont, le démantèlement de l’ancienne structure et exigeait le maintien du débit de circulation au cours des travaux. Ceux-ci ont été entrepris en juillet 2014 et le nouveau pont a été ouvert à la circulation le 14 août 2015. Le réaménagement des berges, qui a suivi la démolition de l’ancien ouvrage d’art, a été achevé en décembre 2016.

 

Afin de compléter le montage avant la débâcle printanière, Pomerleau et Canam se sont entendus pour usiner les sections dans l’ordre d’assemblage prévu par l’entrepreneur général au lieu de la séquence linéaire habituelle. La charpente métallique, fabriquée à l’usine Canam de Québec, contient 1 880 tonnes d’acier. Les deux poutres installées côte à côte sont constituées de 11 sections, chacune mesurant entre 25 et 33 mètres et pesant jusqu’à 91 tonnes.

 

« Les dimensions de certaines pièces étaient au-dessus des capacités de nos ponts roulants, indique Robin Lapointe. Nous avons dû utiliser un système de vérins et rouleaux au sol pour les transporter. » Les composantes ont ensuite été acheminées jusqu’au site par camions, puis assemblées au moyen de grues d’une capacité de 400 tonnes.

 

Défi relevé

« Le plus grand défi a été la levée de la section centrale de 535 tonnes, explique Robin Lapointe. Nous l’avons préassemblée sur une barge amarrée à proximité du site, puis nous avons localisé la barge. Avec un système hydraulique, nous avons procédé à la levée, sur une période de deux jours, en surélevant les deux extrémités simultanément. » Soulignons que Montacier, l’entreprise chargée de l’installation de la charpente, a depuis été acquise par Canam et a été renommée Montage Saint-Laurent.

 

La délicate opération de levage s’est déroulée dans la semaine du 30 mars 2015, au terme de 15 jours d’assemblage et de positionnement. Trente heures ont été nécessaires pour hisser la pièce maîtresse de 90 mètres de longueur, sur 1,3 mètre de hauteur, par tranches de six pouces à la fois. La collaboration de 2  travailleurs et ingénieurs a été nécessaire pour accomplir le travail.

 

Le pont étant situé le long d’une faille géologique, il a été conçu pour résister aux effets de tremblements de terre. Les fondations des piles sont munies de pieux-caissons avec emboîtures au roc et des isolateurs sismiques ont été installés pour limiter le transfert des vibrations entre les piles et le tablier. Les appareils d’appui et les joints de dilatation sont fabriqués par Goodco Z-Tech, une filiale de Canam Ponts.

 

Le pont des Allumettes, une structure interprovinciale, est une propriété de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Il enjambe la rivière des Outaouais, juste au sud-est de la ville de Pembroke et relie la route 17, en Ontario, à la route 148, au Québec. Plus de 5 000 véhicules l’empruntent chaque jour, dont environ 10 % de véhicules commerciaux, notamment ceux qui desservent l’industrie forestière. L’ancien pont, érigé en 1957, était arrivé à la fin de sa vie utile.

 

Le projet a mérité le Prix d’excellence 2015 de l’Institut canadien de la construction en acier, section Québec, dans la catégorie Projets ponts.

 


Cet article est tiré du Supplément thématique – Infrastructures et grands travaux 2016. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !