Établir la juste valeur d’un équipement

8 juin 2020
Par Marie Gagnon

Déterminer la valeur d’un équipement n’est pas une mince affaire. Mieux vaut s’en remettre à un expert.

Chiffrer la valeur d’un équipement usagé est un exercice complexe, qui relève à la fois de la science et de l’expérience. Une simple chargeuse sur roues peut en effet valoir plus ou moins cher, selon que vous voulez la vendre ou l’acheter, obtenir du financement par le biais d’un prêt garanti ou établir le montant d’une prime d’assurance. Cependant, quelle que soit la raison qui vous motive, pour effectuer une transaction au juste prix, il faut commencer par bien valoriser votre actif.

 

Mais, avant d’aller plus loin, qu’entend-on au juste par « valeur » lorsqu’on parle d’équipement ? Avant de répondre à cette question, le président de S. Guy Gauthier Évaluateur (SGG), Marc-Antoine Martel, commence par distinguer la valeur du prix. « La valeur est reflétée par le marché, alors que le prix découle d’un accord entre deux parties, dit-il. Elle n’a rien à voir non plus avec la valeur comptable inscrite aux états financiers de l’entreprise, qui est souvent inférieure à la valeur marchande. »

 

Il rappelle que la valeur aux livres d’un équipement est souvent, ni plus ni moins, que sa valeur dépréciée. La valeur de certains actifs peut ainsi afficher zéro alors qu’ils ont fait l’objet de réhabilitations plus ou moins importantes, et dont la somme peut facilement atteindre quelques centaines de milliers de dollars. Malheureusement, ces restaurations passent parfois sous le radar, parce que comptabilisées en dépenses courantes plutôt qu’en immobilisations.

 

Le but recherché

La valeur à utiliser sera donc dictée par la nature de la transaction. S’il s’agit d’acheter ou de vendre un équipement, on appliquera l’une des trois options suivantes : la juste valeur marchande, la valeur de liquidation volontaire et la valeur de liquidation ordonnée. La juste valeur marchande représente le prix estimé de l’actif sur le marché. Lorsque le fisc demande la valeur des équipements qui ont fait l’objet d’une transaction, c’est leur valeur marchande qui l’intéresse.

 

Quant à la valeur de liquidation ordonnée, elle exprime le montant que l’on pourrait obtenir lors d’une vente aux enchères tenue immédiatement, tandis que la valeur de liquidation volontaire s’applique lorsque le vendeur dispose d’un délai raisonnable pour se trouver un acheteur. Pour sécuriser un prêt et afin de bien mesurer son risque, une institution financière réclamera habituellement la valeur de liquidation ordonnée qui, faut-il le préciser, est toujours inférieure à la valeur marchande.

 

On peut également avoir besoin de connaitre la valeur d’un équipement à l’occasion d’une réclamation d’assurance, à la suite d’un dommage subi, pour s’assurer de disposer d’une couverture adéquate ou à des fins de cautionnement.

 

On se servira alors soit de la valeur courante au comptant, qui est le prix de remplacement moins la dépréciation en fonction de la durée de vie utile restante, soit du cout de reconstitution à neuf ou du cout de remplacement à neuf, cette dernière pratique étant plus répandue.

 

« Sauf que le cout de remplacement à neuf ne prend pas en compte l’installation, signale Michel Genest, le président de Genest Évaluation industrielle. Et ce cout est difficile à chiffrer. Dans une usine de peinture, par exemple, les mélangeurs à haute intensité sont retenus par une structure d’acier qui coute autour de 15 000 dollars. Cela doit être pris en compte dans l’équation. »

 

La méthode appropriée

La nature de la transaction et la valeur à utiliser étant établies, l’évaluateur peut maintenant estimer la valeur de l’équipement. Pour la machinerie et les engins de chantier, Marc-Antoine Martel emploie tantôt la méthode par le cout, tantôt la méthode par comparaison des ventes.

 

Marc-Antoine Martel, Président de S. Guy Gauthier Évaluateur. Photo : C2 Photography Studios

 

Lorsqu’un équipement est à ce point spécialisé qu’il n’a pratiquement pas de marché actif, le patron de SGG préconise la méthode par le cout. Autrement, il dit recourir à la méthode par comparaison des ventes. « On va fouiller le marché pour trouver des actifs similaires et le prix auquel ils ont été vendus, mentionne-t-il. On va ensuite s’ajuster en fonction de certains facteurs plus précis. »

 

Des facteurs comme la renommée du fabricant – certaines marques conservent mieux leur valeur –, l’âge de l’équipement, le nombre d’heures d’utilisation, sa condition générale mais aussi son usage. Le tombereau 2017 ayant servi dans une mine risque en effet d’être prématurément vieilli, si on le compare au modèle 2015 qui n’aura transporté que de la neige et du sable.

 

Pour se faire une idée de la condition d’un engin de chantier, Michel Genest effectue une inspection visuelle, en s’attardant surtout aux modifications majeures apportées à l’équipement, comme le remplacement du moteur ou de la transmission, en plus de consulter la fiche d’entretien.

 

Michel Genest, Président de Genest Évaluation Industrielle.

 

« Avec l’expérience, on le voit quand un équipement est entretenu ou pas, assure-t-il. Quand on voit de la rouille là où il ne devrait pas y en avoir, que la cabine est toute sale et que l’hydraulique fuit, on se doute que le gars n’entretient pas sa machine. Et la condition va jouer sur la valeur. »

 

Moins fréquente car plus difficile à appliquer à l’équipement de chantier, la méthode par le revenu permet d’établir la valeur globale d’un équipement en fonction des revenus qu’il génère. Cette méthode peut s’appliquer à une entreprise louant occasionnellement ses grues à tour plutôt que de les laisser dormir dans sa cour. « Pour l’équipement de chantier, dans 99,99 pour cent des cas, on ne le fait pas, précise Michel Genest. C’est trop difficile d’établir un lien entre un bulldozer et les revenus d’une entreprise. »

 

Une expertise incontestée

Quelles que soient les raisons qui motivent l’évaluation de ses équipements de chantier, mieux vaut s’assurer de transiger avec un expert patenté. « Au Canada, il n’y a aucune règle, ni aucun organisme qui régit l’évaluation, n’importe qui peut s’improviser évaluateur, déplore Marc-Antoine Martel. Certaines institutions financières exigent une accréditation d’un organisme reconnu, mais plusieurs ne le font pas. »

 

Il ajoute que l’organisme d’accréditation en évaluation le plus connu en Amérique du Nord est l’American Society of Appraisers (ASA). Fondée en 1936, l’ASA est la plus importante association multidisciplinaire regroupant des évaluateurs professionnels de tous horizons. Elle établit les standards de l’industrie et offre un programme de formation et d’accréditation internationalement reconnu.

 

ÉVALUATION EN RÈGLE

La machinerie et les engins de chantier représentent une partie importante des actifs d’une entreprise en construction. Voilà pourquoi il est important d’en confier l’évaluation à des experts en la matière. Seul l’évaluateur agréé fournira en effet un rapport détaillé prenant en compte tous les facteurs pouvant influencer la valeur des équipements. Il s’intéressera aux tendances du marché et de l’industrie, en plus d’appliquer différents paramètres qui serviront à établir les diverses valeurs, en fonction du but de l’évaluation, et détaillera sa démarche dans un rapport signé.