Des solutions en mode innovation pour la Nouvelle École Innovatrice

14 décembre 2020
Par Benoit Poirier

Innovatrice. C’est le nom d’une école alternative de conception avant-gardiste créée en 2017-2019 sur la rive sud de Montréal. C’est aussi l’aptitude dont y a fait preuve l’ingénieure Virginie Gauvin, de la firme Bouthillette Parizeau.

Récipiendaire d’un prix de l’Association des firmes de génie-conseil (AGF) – Québec, Virginie Gauvin s’est démarquée par la qualité de ses communications techniques et administratives à l’interne comme à l’externe et par sa grande rigueur, le leadership dont elle a fait preuve et son attachement aux valeurs sociales. Elle a su développer des solutions qui répondent aux besoins spécifiques du Centre de services scolaire Marie-Victorin tout en respectant la quiétude du quartier environnant.

 

Un projet parsemé de défis

La nouvelle construction, érigée sur le terrain de l’école Pierre-Laporte, à Greenfield Park, comporte, en plus des classes de niveaux maternel, primaire et secondaire, une grande bibliothèque, un laboratoire, un gymnase double, un atelier circulaire, un espace central ouvert et lumineux agrémenté d’un café-bistro et des bancs-gradins en bois naturel ainsi qu’un système géothermique unique. Effectivement unique, lui qui dessert deux écoles.

 

Le réseau est composé de 45 puits de 152 mètres de profondeur creusés dans le roc sous un stationnement. Un système de récupération de chaleur à faible cout doté de thermopompes à trois réseaux permet un échange thermique en simultané entre les réseaux de chauffage, de refroidissement et de géothermie.

 

Un système de récupération de chaleur doté de thermopompes à trois réseaux permet un échange thermique en simultané entre les réseaux de chauffage, de refroidissement et de géothermie. Photo : Bouthillette Parizeau

 

Le nouveau bâtiment est adjacent à l’école de quartier, laquelle, construite dans les années 70, n’était pas climatisée et était dotée d’un système de chauffage hydronique. Afin de réduire la facture du chantier, un tunnel a été creusé dans la cour pour relier les deux bâtiments à une seule chaufferie, aménagée dans l’ancienne école. L’économie réalisée a permis de climatiser aussi cette dernière. De plus, l’ingénieure a tiré avantage des horaires différents des écoles pour maximiser les économies d’énergie grâce au principe des vases communicants.

 

« On a donc réduit la quantité d’équipements tout en réduisant l’empreinte de la nouvelle école », explique la jeune ingénieure Virginie Gauvin, cheffe d’équipe chez Bouthillette Parizeau et responsable de la conception mécanique du projet de construction de la Nouvelle École Innovatrice. Mais comme un défi n’arrive jamais seul, il a fallu, pour une raison urbanistique, minimiser la dimension de la nouvelle construction de trois étages. Pour ce faire, le système de ventilation a été retiré des plafonds pour être intégré au concept architectural intérieur, réduisant ainsi la hauteur de l’école. En découle une apparence complètement dégagée des locaux, où l’apprentissage par petits groupes est privilégié. « Également, le réseau de la ville n’avait pas assez de pression. Il a ainsi fallu ajouter une pompe incendie. Ç’a été un beau défi », note-t-elle.

 

Une expérience enrichissante

Toute expérience professionnelle se conjugue inévitablement aussi avec l’expérience humaine. Ce fut indéniablement le cas dans cette aventure, relate Virginie Gauvin. « J’étais une jeune ingénieure. C’était mon deuxième projet avec la commission scolaire. J’avais deux ans d’expérience quand j’ai commencé ce projet-là. On avait développé une belle relation professionnelle bâtie sur la confiance. Ç’a été vraiment enrichissant. Travailler en équipe avec eux m’a beaucoup appris. »

 

Entre autres, à prendre conscience des besoins réels sur le terrain et à concevoir un système qui soit relativement simple à manipuler et à entretenir. « J’ai eu la chance de parler avec l’équipe qui fait l’entretien et la gestion de l’école. Nous, on fait la conception. Il faut que ce soit quand même adapté aux opérateurs. Ça reste qu’on fait de l’ingénierie. Nous sommes capables de faire des choses très compliquées, qui peuvent aller récupérer beaucoup d’énergie. Mais il faut que ça puisse être opéré. »

 

Ont suivi d’autres mandats pour le Centre de services scolaire et pour des hôpitaux, entre autres, et l’obtention d’une maitrise en urbanisme. L’ingénieure, qui voit à la conception des aspects chauffage, ventilation, plomberie tout en coordonnant les équipes d’énergie, de protection-incendie, de contrôle, à l’interne, et fait le lien avec les autres équipes sur les chantiers, est aujourd’hui en mesure de mener plusieurs projets de front.

 

Il demeure qu’avoir un délai de moins d’un an pour une conception, c’est court. Si on veut innover, explique-t-elle, il faut faire les validations nécessaires en laboratoire, se coordonner avec les architectes, franchir diverses étapes. « Aujourd’hui, il faut travailler très vite et bien; c’est un gros enjeu. Mais j’essaie d’être le plus possible honnête avec moi en ce qui a trait à ma charge, tout en m’assurant de la qualité du travail rendu, ce qui est très important pour moi.

 

« Il m’en reste encore beaucoup à apprendre, poursuit Virginie Gauvin, mais je pense que je comprends quand même bien comment on construit. J’avais envie de comprendre aussi l’autre angle : pourquoi on construit, à quel endroit et comment on peut implanter un bâtiment dans l’espace. »

 

Un avenir prometteur

Selon André Rainville, président-directeur général de l’AFG, il ne fait aucun doute que la catégorie Relève du génie-conseil permet de mettre en lumière les talents de demain et de servir de tremplin aux ingénieurs les plus prometteurs. Mais ce prix est également le fruit d’un effort collectif, car tout est une notion de collaboration et de planification. C’est en collaboration avec les donneurs d’ouvrage, soutient-il, que les firmes de génie-conseil peuvent pleinement jouer leur rôle stratégique.

 

« Nous avons beaucoup d’attachement pour cette catégorie, parce qu’il y a actuellement un défi de relève dans toutes les disciplines. Alors, c’est certain qu’il faut souligner la contribution exceptionnelle des jeunes à la réussite des firmes de génie-conseil. L’exemple de Virginie est vraiment éloquent, poursuit-il. C’est une femme qui est à sa place, qui est pleine d’empathie pour le milieu dans lequel elle travaille. Elle a su participer à l’acceptabilité sociale du projet et trouver des solutions techniquement encore plus acceptables. C’est ce qu’on aime mettre en valeur : ce sont ces jeunes-là qui ont tellement de capacités, qui sont l’avenir de notre industrie. »

 

POUR LE PLUS GRAND NOMBRE

À l’instar de nombreux événements prévus depuis le printemps, les Grands Prix du génie-conseil québécois, qui avaient lieu à la mi-octobre dernier, se sont déroulés de façon virtuelle (ce sera peut-être également le cas en 2021), alors que la 18e édition a attiré un nombre accru de participants. « Notre objectif est de mettre en valeur le génie québécois. Ainsi, plus il y a de gens qui participent à l’événement, mieux c’est », confie André Rainville.

Et, bien que les thèmes varient d’une année à l’autre, l’aspect environnemental est toujours présent. « Les bénéfices pour l’environnement, les avantages sociaux et économiques sont toujours évalués à l’intérieur des projets, quel que soit le thème annuel qui a été retenu. Alors, il y a un pourcentage substantiel du pointage qui est attribué par un jury indépendant aux lauréats, sur la base de l’approche du développement durable, en plus des aspects liés à l’innovation, à la complexité des projets et à la satisfaction du client. Mais cette année, c’était précisément le thème de l’événement. C’est le message que nous voulions porter : il ne s’agit pas simplement de bâtir, mais de développer une économie qui soit durable », souligne-t-il.

Cette vision, Virginie Gauvin compte bien l’embrasser dans le cadre de projets futurs. « Le développement durable, on en parle beaucoup du point de vue environnemental ou énergétique. Moi, ce qui me tient vraiment à coeur, c’est l’aspect social. C’est d’en faire profiter le plus grand nombre de gens avec un budget restreint. Ça rejoint mes valeurs. Pour des élèves, par exemple, la qualité de l’air et un environnement sain, c’est fondamental pour leur apprentissage. »