Un tablier de pont en aluminium expérimental

23 juillet 2014

Le ministère des Transports du Québec est en voie de se doter d’un premier pont pourvu d’un tablier entièrement en aluminium. Mise à l’essai.

Par Rénald Fortier

 

Léger, durable et nécessitant peu d’entretien. Voilà autant d’attributs qui devraient militer en faveur de l’utilisation de l’aluminium dans la conception de structures routières en sol québécois. Pourtant, il n’en est rien, l’utilisation de ce matériau y demeurant toujours marginale. Mais les choses sont peut-être appelées à changer, à plus ou moins brève échéance, dans la foulée d’un projet pilote que réalise actuellement le ministère des Transports du Québec au Saguenay.

 

La réalisation de ce projet de près de 900 000 dollars, somme qui inclut le coût de travaux de correction du profil de la route aux approches, relève de Paul Pedneault inc. Le mandat confié à cet entrepreneur de Ville Saguenay, à la suite d’un appel d’offres publié en juillet 2013, incluait aussi la conception du tablier en aluminium. La fourniture du tablier incombe à l’entreprise américaine AlumaBridge, LLC.

 

« Comme il s’agissait pour le MTQ d’une première expérience, signale sa porte-parole Véronick Lalancette, le tablier a été réalisé sur la base d’un devis de performance qui exigeait l’utilisation d’un produit éprouvé dans le cadre d’un projet de pont routier. Et comme le produit présenté par l’entrepreneur n’avait jamais été utilisé au Canada, la conformité avec les normes canadiennes a dû être validée. »

 

Ce tablier nouveau genre, dont la réalisation requiert l’utilisation de 6 600 kilos d’aluminium, couvrira 76 mètres carrés – poids de 87,3 kilos par mètre carré. Il reposera sur des poutres d’acier prenant appui sur des culées de béton, lesquelles ont déjà été mises en place. D’ici à ce qu’il soit livré et installé, l’entrepreneur a temporairement pourvu le pont d’un platelage en bois récupéré sur un autre chantier.

 

Le nouveau tablier, dont la durée de vie utile est estimée à 75 ans, sera composé d’extrusions d’aluminium de quelque 200 millimètres de hauteur et de 300 millimètres de largeur, placées longitudinalement par rapport au pont. Ces extrusions seront assemblées entre elles par soudure friction-malaxage, un procédé en émergence permettant de conserver des propriétés mécaniques supérieures dans la zone soudée, comparativement à la méthode traditionnelle par fusion.

 

Le platelage d’aluminium sera livré au chantier en deux sections, qui seront boulonnées entre elles et aux poutres d’acier. Il sera recouvert d’une surface de roulement antidérapante mince et légère appelée Bimagrip, composée d’agrégats de un à trois millimètres et d’une matrice de polyuréthane.

 

« Le tablier fera l’objet d’un essai de chargement, avant sa mise en service, pour en déterminer le comportement et aussi pour valider certaines hypothèses de conception, note Véronick Lalancette. Il sera par la suite inspecté périodiquement pour voir comment il se comporte dans le temps. »

 

En décidant d’aller de l’avant avec son projet pilote en 2011, le MTQ cherchait notamment une solution pour assurer l’étanchéité des ponts acier-bois afin d’en augmenter la durabilité. Si les résultats devaient s’avérer concluants, le recours à ce type de structure en aluminium pourrait donc être étendu au Québec. Plus particulièrement dans le cadre de projets portant sur le remplacement de platelage en bois.

 

Et il n’y a pas que la durée de vie réduite du platelage des ponts acier-bois qui est en cause. Comme les platelages de bois ne sont pas étanches, l’eau qui coule dessus affecte aussi les poutres d’acier au-dessous. Surmontées d’un tablier d’aluminium étanche, ces poutres seraient protégées des intempéries et, du coup, plus durables.

 

L’intérêt du MTQ pour la mise à l’essai d'un platelage en aluminium ne tenait pas seulement qu’à son étanchéité, mais aussi à sa légèreté, sa rapidité de construction et sa durabilité. Autant d’avantages rendant une telle solution attrayante pour le remplacement ou l’élargissement de tabliers.

 

Préfabriqué en usine, un tel tablier pourra en effet être mis en oeuvre rapidement, entraînant ainsi une réduction des coûts. Et le faible poids propre de l’aluminium permettrait d’alléger le poids total d’un nouveau tablier reposant sur des poutres triangulées. En conservant la sous-structure sans augmenter la charge sur les assises, il serait ainsi possible de rendre à un pont sa capacité perdue et de prolonger sa durée de vie utile.

 

Soulignons qu’une étude dévoilée par l’Association de l’aluminium du Canada, à la fin de la dernière année, évalue qu’un tablier en aluminium pourrait être intégré dans plus de 500 ponts de courte portée devant faire annuellement l’objet d’un remplacement, ou d’une réfection, dans l’est du Canada et le nord-est américain. C’est dire.