Le chantier de l’Isle-Maligne prend son envol

5 avril 2021
Par Mathieu Ste-Marie

Des travaux d’envergure seront entrepris ce printemps à la centrale hydroélectrique de l’Isle-Maligne d’Alma, la plus ancienne des six installations de Rio Tinto au Saguenay– Lac-Saint-Jean.

Au total, 20 vannes datant de la construction de cet ouvrage quasi centenaire seront remplacées par d’autres de type « papillon ». Survol d’un projet qui s’apprête à déployer ses ailes.

 

Au cours des dix dernières années, la multinationale a investi 70 M$ en moyenne par an dans sa division Énergie électrique pour le maintien de ces barrages et des travaux du Programme de stabilisation des berges. Cette fois, Rio Tinto fera confiance à Canmec pour la conception, la fabrication et l’installation de nouvelles vannes, utilisées pour couper le débit des eaux dans le barrage situé sur la rivière Grande-Décharge.

 

Des installations vieillissantes

Les vannes actuellement employées n’ont jamais été changées depuis la construction de ce barrage, en 1926. Voulant assurer l’avenir de ses installations, la multinationale a investi 160 millions de dollars dans ce vaste projet, dont la durée estimée est de cinq ans. Ainsi, durant chacune de ces années, quatre vannes seront remplacées grâce au travail d’une cinquantaine de mécaniciens de chantiers, de manoeuvres, de menuisiers, de grutiers, d’électriciens et d’autres travailleurs de la construction.

 

Le chantier devrait se mettre en branle en juin prochain avec le démantèlement mécanique du treuil, un appareil de levage qui permet de monter et de descendre la vanne. Dans les semaines suivantes, le retrait de l’ancienne vanne, la démolition du béton, l’installation des câbles, le bétonnage et, finalement, l’installation de la nouvelle vanne et du treuil sont prévus. La durée pour effectuer le remplacement d’une vanne étant estimée à 32 semaines, la fin des travaux est prévue pour mars 2026.

 

Une vanne peu employée

Durant les prochaines années, les défis ne manqueront pas sur le chantier, puisque Canmec devra installer pour la toute première fois des vannes papillon. Pour couper le débit d’eau, ce type de vanne effectue un mouvement de balancier grâce à un coulisseau actionné par un treuil à vis. En comparaison, la vanne verticale, utilisée depuis l’inauguration de la centrale, fait simplement un mouvement de haut en bas afin de fermer le pertuis, si nécessaire.

 

Les vannes papillon sont peu employées dans les barrages en Amérique du Nord. En fait, seules de rares centrales aux États-Unis les utilisent. L’Isle-Maligne sera donc la première centrale canadienne à posséder ce type de pièce. Celle-ci est composée de deux plaques assemblées à une pièce de forme cylindrique, ce qui lui donne l’apparence d’un papillon géant. Cette pièce centrale, pesant 19 958 kilogrammes (kg) et mesurant 5,7 mètres (m), permet de faire pivoter la vanne.

 

Marc Laroche, ingénieur et vice-président projets chez Canmec. Photo : Canmec

 

De février à octobre 2020, les ingénieurs ont donc conçu la vanne avant de commencer sa fabrication l’automne dernier. Lors de cette dernière étape, l’équipementier Canmec a dû respecter une épaisseur spécifique pour les plaques : trois pouces et demi pour la plaque inférieure et deux pouces pour la plaque supérieure. L’une doit être plus lourde que l’autre pour faciliter le mouvement de balancier. « L’ingénierie de conception a vraiment été complexe puisque la vanne est complètement différente de la vanne verticale que l’on voit habituellement », souligne Marc Laroche, ingénieur et vice-président projets chez Canmec.

 

Grue portique

Au final, cette imposante pièce d’acier mesure 6 m sur 6 m et pèse 59 874 kg, entrainant une autre difficulté pour l’entreprise : son transport dans un espace restreint. Canmec a donc établi une stratégie. Pour déplacer la vanne sur le tablier du barrage, elle installera une grue portique munie d’un treuil principal de 65 000 kg et d’un treuil auxiliaire de 15 876 kg. Cette imposante structure demeurera sur le chantier tout au long des travaux : « Si l’on avait opté pour une grue mobile, elle aurait bloqué l’accès. Il n’y aurait pas eu de place pour travailler », fait remarquer Marc Laroche.

 

Malika Cherry, conseillère aux relations avec les médias chez Rio Tinto. Photo : Rio Tinto

 

L’accès ne doit absolument pas être bloqué par une grue mobile, puisque des travaux se dérouleront simultanément sur le tablier de la centrale : « D’ici quelques semaines, nous allons annoncer plusieurs travaux d’entretien, de réfection et de rénovation d’équipements critiques de la centrale, informe Malika Cherry, conseillère aux relations avec les médias chez Rio Tinto. La centrale a près de 100 ans et a besoin de beaucoup d’entretien ».

 

Comme la vanne arrivera en position horizontale sur le tablier du barrage, la grue portique permettra de la faire pivoter en position verticale afin qu’elle puisse descendre vers le pertuis.

 

Installation à 40 degrés

Cette descente sera laborieuse en raison de l’espace limité près de la centrale. De plus, contrairement aux vannes verticales, les vannes papillon devront descendre plus profondément, à près de 18,3 m sous le niveau du béton. « Habituellement, les vannes sont situées plus près de la prise d’eau, donc elles ne sont pas aussi profondes. C’est un défi technique supplémentaire », constate Malika Cherry.

 

À cela s’ajoute l’installation dans un angle de 40 degrés du câble relié à la vanne papillon : « Avec la vanne verticale, le câble est à la verticale et, à cause de la gravité, il est bien droit. La difficulté avec la vanne papillon sera d’aligner et d’ajuster le câble sans avoir d’axes. Nous n’avons pas d’indice que le câble est à 40 degrés. Il va falloir tirer des pointes pour qu’il soit très bien aligné et qu’il permette à la vanne de fermer », explique Marc Laroche. Pour ce faire, Canmec se servira notamment de la technologie laser pour effectuer des mesures sur des dizaines de mètres.

 

Leçons apprises

Heureusement, l’entreprise saguenéenne pourra profiter des conseils de General Electric (GE), qui a précédemment remplacé deux vannes dans le cadre d’un projet-pilote de deux ans, mené par Rio Tinto. Le conglomérat américain, tout comme la multinationale, a beaucoup appris de cette expérience : « Ça nous a permis de savoir quelles sont les bonnes façons de faire et de bien connaitre les conditions de travail. Nous avons appris certaines leçons », souligne Malika Cherry. C’est d’ailleurs lors de ce projet-pilote que l’entreprise a été en mesure de voir les avantages de l’utilisation d’une grue portique plutôt que d’une grue mobile dans le barrage.

 

LE REMPLACEMENT DES VANNES EN QUELQUES ÉTAPES
  • Démontage et démantèlement mécanique du treuil
  • Installation des accès aux pertuis
  • Inspection des rainures et démolition locale au besoin
  • Démontage et démantèlement mécanique de la vanne
  • Démolition du béton
  • Montage des cadres
  • Installation et ajustement final de la vanne
  • Démolition du coulisseau et poutre treuil
  • Installation primaire du coulisseau
  • Ajustement du coulisseau et coulis
  • Installation du treuil à vis
  • Total : 153 jours

 

TANT QU’À Y ÊTRE…

Le 9 mars 2020, Rio Tinto annonçait un investissement de 92 millions de dollars supplémentaires pour améliorer la fiabilité de sa centrale hydroélectrique de l’Isle-Maligne. Le remplacement complet d’un groupe turbine-alternateur et la réalisation de travaux de réfection sur un autre s’ajoute ainsi au projet. Les travaux commenceraient cet été et auraient une durée de deux ans.